LOGER DE L’IMMOBILIER LOCATIF DANS UNE SOCIETE D’EXPLOITATION NE PERMET PAS D’ECHAPPER A L’ISF/IFI

Un contribuable tente d’échapper à l’ISF en logeant son immobilier locatif dans la société dans laquelle il exerce son activité professionnelle. Il est rappelé à l’ordre par les juges du fond.

La décision

En 2015, l’administration fiscale avise les époux M de ce que la consistance de leur patrimoine atteint un montant suffisant pour devoir déposer une déclaration au titre de l’ISF.

Les époux finissent par déposer des déclarations pour les années 2010 à 2015.

L’administration conteste les déclarations déposées notamment en ce qu’elle entend réintégrer une partie de valeur de la société holding dans l’assiette de l’ISF au motif qu’elle n’abrite pas que l’activité professionnelle du mari.

Les époux M soutiennent que tous les biens inclus dans la société commerciale holding gérant l’activité professionnelle, devaient bénéficier de l’exonération de droits sur le patrimoine professionnel, y compris le patrimoine locatif.

La Cour d’appel de PAU (CA PAU, 7 février 2023, n° 21/01112) les déboute :

« l’administration fiscale constate que la société possède des immeubles affectés à la location d’habitation (…)

L’administration estime donc qu’il faut réintégrer dans l’actif imposable une proportion de la valeur des parts de la société holding, parce que cette activité de location reste sans rapport avec l’activité professionnelle du déclarant ce qui lui interdit de considérer ces actifs comme des actifs professionnels ; (…)

En droit, rien ne s’oppose à ce qu’une société, en particulier une société Holding, dispose de statuts permettant l’exercice de plusieurs activités, relevant pour certaines de l’activité professionnelle du déclarant et pour d’autres d’une activité non rattachable à son activité professionnelle. Le choix relève de la liberté économique et juridique.

Mais cela ne suffit pas pour que les activités de location d’immeubles puissent être assimilées à une activité professionnelle du dirigeant social au sens des textes d’imposition régissant l’ISF ; cette liberté juridique ne doit pas pouvoir être utilisée à des fins d’évasion fiscale. Au regard du droit fiscal, la régularité du choix d’une structure juridique unique recouvrant des activités économiques différentes n’a aucune portée ; la jurisprudence est ainsi venue valider la méthode consistant à ventiler la valeur des parts d’une société entre une quote-part reflétant la valeur d’une activité professionnelle exonérée et une autre quote-part reflétant la valeur d’une activité non professionnelle et donc assujettie à l’ISF ou à l’IFI.

(…)

La position juridique de l’administration est donc justifiée. »

Décryptage

Si loger des actifs patrimoniaux dans une société d’exploitation peut permettre, sous réserve de la prépondérance de l’activité éligible, de faire bénéficier ces actifs de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit « Dutreil », cela n’est pas le cas en matière d’impôt sur la fortune (ISF/IFI).

Si les faits de l’espèce sont un peu caricaturaux, ils sont l’occasion de rappeler quelques principes en matière d’ISF et d’IFI.

En matière d’ISF, l’article 885 O ter précisait dans sa version initiale :

« Seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel. »

La pratique s’était développée de loger des actifs non professionnels dans des filiales ou sous filiales d’une société constituant un bien professionnel, pour les faire échapper à l’ISF.

Et ce malgré la position de l’administration qui considérait que ne bénéficiaient pas de l’exonération les actifs situés dans des filiales ou sous-filiales sans lien avec l’activité.

Dans un arrêt du 20 octobre 2015 (n° 14-19.598, Publié au bulletin), la Cour de cassation a retenu au contraire que la limitation de l’exonération d’ISF des biens professionnels ne s’étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales :

« Mais attendu que l’arrêt retient à bon droit que l’article 885 O ter du code général des impôts, qui limite la portée de l’exonération de taxation des biens professionnels, est d’interprétation stricte, en sorte que son champ d’application ne s’étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe et que le terme « société », qu’il mentionne, renvoie seulement à la société qualifiée de bien professionnel par l’article 885 O bis du même code, dans laquelle le contribuable détient des parts sociales ; que le moyen n’est pas fondé ; »

En réaction, la loi de finance rectificative pour 2016 est venue compléter l’article 885 O ter pour exclure expressément de l’exonération des biens professionnels tous les actifs non nécessaires à l’activité, y compris logés dans des filiales ou sous-filiales.

En matière d’IFI le principe est que tous les biens immobiliers sont taxables.

Il existe deux exceptions principales :

– l’exclusion d’assiette de l’immobilier affecté à l’activité, sous réserve qu’il soit affecté à l’activité de la société qui le détient ou à l’activité de certaines autres sociétés appartenant au même groupe que la société qui les détient ;

– l’exonération des biens professionnels qui permet d’exonérer l’immobilier affecté à l’activité professionnelle du redevable.

Loger des biens immobiliers « non professionnels » dans une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne permet pas d’échapper à l’impôt sur la fortune.

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