L’USUFRUITIER N’A PAS LA QUALITE D’ASSOCIE !

C’est ce qu’affirme la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un avis du 1er décembre 2021. Il n’en est pas moins dépourvu des prérogatives d’un associé lorsque son droit de jouissance est directement en cause. Décryptage.

Que dit la Cour de cassation ?

M et Mme P sont usufruitiers de titres au sein d’une SCI, leurs enfants étant nus-propriétaires desdits titres, et propriétaires des titres non démembrés.

Leur fille Ursula est gérante.

Les statuts stipulent notamment :

« Si une part sociale est grevée d’usufruit, le droit de vote appartient à l’usufruitier pour toutes les décisions prises lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires, le nu-propriétaire en sa qualité d’associé étant convoqué aux assemblées générales, avec voix consultative. »

« … seul l’ associé a la faculté de demander à la gérante de provoquer la délibération des associés … »

« … Convocation : sauf lorsque tous les associés sont gérants, les assemblées sont convoquées par la gérance ou sur la demande de plusieurs associés représentant la moitié au moins de toutes les parts sociales … »

Suite à un désaccord entre eux, les parents demandent à la gérante de convoquer une AG en vue de la révocation de la gérante et de la nomination de co-gérants.

En l’absence de réponse, les parents assignent devant le TGI compétent afin de voir désigné un mandataire ad hoc à l’effet de convoquer l’AG.

Le TGI, puis la Cour d’appel de Bordeaux les déboutent au motif qu’une telle demande ne peut émaner que d’un associé, ce qui n’est pas le cas d’un simple usufruitier de titres sociaux.

La Chambre commerciale de la Cour de la Cour de cassation, dans un avis n°20-15164 du 1er décembre 2021, exprime pour la première fois une position sur cette question :

« … l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais … il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. » « … L’usufruitier de parts sociales peut provoquer une délibération des associés ayant pour objet la révocation du gérant et la nomination de co-gérants, en application de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978, si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales. »

Décryptage

La question de savoir si l’usufruitier doit être considéré comme un associé à part entière des titres sociaux démembrés est en suspens depuis longtemps.

Pour la première fois, la Cour de cassation confirme ce dont la doctrine se doutait : l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, laquelle n’appartient qu’au nu-propriétaire.

Elle fonde ce postulat sur l’article 578 du Code civil :

« L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ».

Ce postulat posé, la Cour suprême rappelle toutefois que l’usufruitier n’est pas pour autant empêché d’initier toute mesure utile à la préservation de son droit de jouissance.

A ce titre, et dans la limite toutefois de cette appréciation, il est légitime à voter les distributions de bénéfices, à participer aux AG au sein desquelles il ne dispose pas du droit de vote, … et à provoquer une délibération des associés sur toute décision qui pourrait avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. Certes, la question de l’incidence directe sera laissée à l’interprétation du juge. Les contentieux sont donc probablement encore loin de se tarir.

S’il y a donc deux choses à retenir :

  1. L’usufruitier n’a pas la qualité d’associé. Ce postulat est lourd de conséquences, comme l’ont déjà fait remarquer les Prs Renaud MORTIER et Nadège JULLIAN : exclusion de l’usufruitier du champ des dettes d’une SNC ou d’une société civile, exclusion de l’usufruitier pour le calcul du nombre d’associés requis, …
  2. Et il peut exercer toutes prérogatives normalement réservées à un associé si elles ont une incidence directe sur son droit de jouissance. Reste à savoir ce que cette notion recouvre …

Pour consulter l’avis de la Cour suprême :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000044524918?page=1&pageSize=10&query=20-15164&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT

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