La frontière entre opération patrimoniale et opération spéculative est parfois difficile à situer. L’enjeu est de taille. Illustration par une décision de la CAA de PARIS (CAA Paris, 5 juill. 2019, n° 17PA22522).
Ce que dit la Cour d’appel
En 1992, la SCI BARBADINE est créée avec pour objet la location de biens immobiliers.
En 1994, elle achète des terrains à bâtir.
En 2003, elle décide par AG d’y édifier deux bâtiments comprenant 6 logements et un local professionnel. La construction est réalisée en 2004.
Le local professionnel, qui représente tout de même 1/3 des surfaces, est loué.
En 2004 et 2005, elle revend les 6 logements sans réaliser de profit sur 5 des 6 ventes.
L’administration fiscale réagit : la construction d’immeuble suivie d’une revente par lots est constitutive d’une opération de marchand de biens, la SCI bascule donc à l’IS.
La Cour administrative d’appel de PARIS (9ème chambre arrêt n°17PA22522 du 5 juillet 2019) donne tort à l’administration : « L’application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d’une intention spéculative et présentent un caractère habituel. L’intention spéculative doit être recherchée à la date d’acquisition des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession. »
Ce qu’il faut retenir
L’article 35 du CGI définit les marchands de biens comme les personnes qui, à titre habituel, achètent des immeubles en vue de les revendre, en l’état ou après construction.
Le texte vise aussi les fonds de commerce, … mais c’est moins courant.
BOI-BIC-CHAMP-20-10-20120912
Deux conditions sont requises :
- L’habitude : elle résulte soit de la pluralité des ventes réalisées dans le cadre d’une même opération, soit de l’activité passée ou présente du cédant.
- L’intention spéculative : elle s’apprécie au moment de l’achat et non à celui de la revente CE 2 juin 2006 n°266507. Les raisons de la revente importent peu. Par-contre, sont des critères majeurs : le court délai entre l’achat et la revente, le montant du bénéfice, la quantité et la fréquence des opérations, …
La conséquence pour la personne :
- Si c’est une personne physique : le bénéfice retiré de l’opération est taxable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux BIC, régime généralement moins favorable que le régime des plus-values immobilières des particuliers.
- Si c’est une société civile à l’IR : l’opération entraîne son assujettissement à l’IS. A la différence de la personne physique, ce traitement fiscal est général et non pas seulement ponctuel.
- Si c’est une société commerciale de personnes comme une SNC : elle ne bascule pas à l’IS mais les bénéfices sont imposés dans la catégorie des BIC.