Un investisseur achète un appartement dans une résidence de tourisme, dont le gestionnaire est placé en redressement judiciaire. Quelles sont les conditions de la mise en cause de la responsabilité des professionnels par l’investisseur ?
La décision
En septembre 2009, Monsieur O signe un contrat de réservation pour l’acquisition d’un appartement dans une résidence de tourisme, et signe un bail commercial de 11 ans au profit du gestionnaire.
Un an plus tard, la société locataire est placée en redressement judiciaire. L’exploitation de la résidence est interrompue, puis reprise par une autre société moyennant une baisse des loyers.
Estimant, d’une part, avoir été victime de manœuvres dolosives de la part du promoteur-vendeur, de la société qui a commercialisé le bien et de la société de conseil en patrimoine, d’autre part, que ces dernières sociétés avaient manqué à leur devoir d’information et de conseil, l’investisseur les a assignés en indemnisation de ses préjudices.
Il fait grief à l’arrêt d’appel – AIX EN PROVENCE 23 septembre 2021 statuant sur renvoi après cassation Civ. 3 24 septembre 2020 pourvoi n°19-18637 – de rejeter ses demandes alors que la plaquette de présentation garantissait la rentabilité de l’investissement, d’une part, et qu’il n’avait pas été pleinement informé par les intermédiaires des risques pouvant découler du défaut de réalisation des conditions du succès de l’opération de défiscalisation.
La Cour de cassation – Chambre civile 3, 16 mars 2023, 21-25.984, Inédit – lui donne raison :
« … Il incombe au vendeur tenu d’informer l’investisseur même averti, des risques liés à l’achat d’un bien immobilier entrant dans un programme de défiscalisation, de justifier qu’il a exécuté cette obligation, sans s’être tu sur ceux qui y sont associés.
6. Pour rejeter les demandes formées contre le promoteur-vendeur, l’arrêt retient que les mentions portées sur la plaquette commerciale ou sur le contrat de réservation ne garantissent pas un quantum de rentabilité de l’opération, ni la pérennité du preneur commercial, mais uniquement la rentabilité du projet, pris dans son ensemble.
7. Il ajoute que le bail commercial, compris dans ce projet, comporte nécessairement un aléa que l’investisseur, qui, exerçant la profession d’actuaire, était en mesure d’appréhender, et que celui-ci ne démontre pas que le vendeur connaissait la situation obérée de la société devenue locataire.
8. En statuant ainsi, sans relever que le promoteur-vendeur avait donné à l’investisseur une information sur l’existence de risques inhérents à l’opération projetée dont la rentabilité était annoncée comme garantie, la cour d’appel, a violé les textes susvisés.
… Pour rejeter les demandes dirigées contre la société Global patrimoine investissement et la société Actifs et associés, l’arrêt retient que le lien causal, entre le défaut d’information sur les aléas de l’investissement tels que la possible défaillance de l’exploitant et la diminution des loyers perçus auprès d’un second locataire, n’est pas établi, dans la mesure où rien ne permet de supposer que l’investisseur n’aurait pas souscrit l’engagement pris s’il avait reçu cette information et alors qu’invoquant la tromperie dont il se dit victime concernant la bonne situation financière de la société locataire, il s’en déduit que celui-ci avait conscience de l’aléa, que sa profession d’actuaire en fait un spécialiste du risque et qu’il est aisé de comprendre qu’un montage de défiscalisation comporte un risque lié à la conclusion d’un bail.
12. En se déterminant ainsi par des motifs qui ne caractérisent pas que les sociétés qui sont intervenues dans la réalisation de l’opération globale de défiscalisation, aient dispensé à l’investisseur, une quelconque information, même adaptée à son degré de connaissance et à sa situation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
L’investisseur, bien que capable d’apprécier les risques liés à son investissement, prétend ne pas avoir été suffisamment mis en garde par les professionnels intervenus.
La Cour de cassation rappelle les règles de la responsabilité civile des professionnels intervenant dans la commercialisation d’une opération de défiscalisation :
- Les connaissances du client ne dispensent pas le professionnel de son devoir de conseil et de mise en garde,
- Il incombe au professionnel de justifier de manière suffisamment probante qu’il a satisfait à son obligation à ce titre.