Après les périodes de marchés baissiers, vient généralement la saison des actions en responsabilité pour défaut de conseil. Se pose alors la question des délais de prescription. La Cour de cassation se prononce sur des faits datant de 2007, mais qui devraient éclairer la période actuelle.
La décision
Mme C souscrit en 2007 un contrat d’assurance-vie sur lequel elle verse une somme d’environ 50.000 €, investie intégralement en unités de compte.
En 2014, elle demande le rachat du contrat, dont la valeur de rachat n’est plus que de 39.000 €.
En 2015, elle assigne la banque commercialisatrice en responsabilité pour défaut de conseil, d’information et de mise en garde.
Puis Mme C fait grief à la Cour d’appel – Chambre civile 2, 19 janvier 2023, 20-16.490, Publié au bulletin – de lui opposer la prescription de son action, alors que selon elle, « la seule production par l’assureur de la copie de lettres d’information ne suffit pas à justifier de leur envoi au souscripteur d’une assurance sur la vie dont le capital, investi en unités de compte, encourt un risque d’érosion, de sorte qu’elle ne suffit pas davantage à justifier de la connaissance qu’aurait eue l’assuré de la manifestation du dommage, consistant en l’érosion de son capital, causé par un manquement de l’assureur à son obligation d’information et de conseil ; »
La Cour de cassation – Chambre civile 2, 19 janvier 2023, 20-16.490, Publié au bulletin – lui donne raison :
« … les actions mobilières se prescrivent par cinq ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
… Pour déclarer prescrite l’action en responsabilité …, après avoir énoncé que lorsqu’un manquement à une obligation précontractuelle est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur, le point de départ de l’action est fixé à la date de la réalisation du dommage ou à la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle a pu légitimement l’ignorer, l’arrêt constate qu’il ressort des relevés de situation produits aux débats, …, qu’à cette date, la valorisation du contrat qu’elle avait souscrit révélait une perte de 6 098,61 euros par rapport à l’année précédente.
…
En statuant ainsi, alors que la seule production par l’assureur, sur lequel pèse la charge de la preuve du point de départ du délai de prescription qu’il invoque, de la copie de la lettre d’information annuelle, ne suffit pas à justifier de son envoi au souscripteur d’une assurance sur la vie qui conteste l’avoir reçue, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Décryptage
La présente décision devrait être importante en période de marchés baissiers. Il est probable que certains investisseurs tentent de faire prendre en charge les pertes subies par les professionnels qui les ont conseillés, en invoquant leur manquement.
La Cour suprême rappelle deux informations importantes :
- L’action en responsabilité se prescrit par 5 ans, qui démarrent à la réalisation du dommage ou à la date à laquelle la victime en a eu connaissance.
- Le respect de toutes les obligations d’information par les professionnels ne suffit pas à prouver que l’investisseur a bien reçu lesdits documents et donc à justifier du point de départ du délai de prescription.
Pour consulter la décision :