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PLUS-VALUE IMMOBILIERE SUR UN BIEN ACQUIS PAR LICITATION : LE DELAI DE DETENTION REMONTE A LA NAISSANCE DE L’INDIVISION SANS LIMITE DE TEMPS

Dans une décision du 9 septembre dernier, le Conseil d’Etat précise la doctrine administrative relative à la taxation de la plus-value immobilière en cas de cession d’un bien attribué aux termes d’un partage.

La décision

M BC, propriétaire d’un bien immobilier, décède le 23 août 1998, laissant pour lui succéder plusieurs héritiers dont sa tante, Mme EC pour 1/8ème indivis. Celle-ci décède en 2003, puis son époux usufruitier en 2007, laissant pour leur succéder leurs 7 enfants, lesquels deviennent indivisaires pour 1/64ème chacun.

Aux termes d’un acte de licitation faisant cesser l’indivision, M AC, l’un des 7 enfants coindivisaires, acquiert en 2010 l’ensemble des droits indivis pour devenir seul propriétaire divis. Il revend le bien immobilier le 28 juin 2012, puis fait l’objet d’un redressement au titre de l’impôt de plus-value. Par un arrêt n° 17PA22865 du 16 octobre 2019, la cour administrative d’appel de Paris fixe de manière globale au 23 août 1998 le point de départ à retenir pour déterminer, en vue du calcul de la part taxable de la plus-value de cession, la durée de détention du bien.

Le Conseil d’Etat (voir décision ci-dessous) tranche en distinguant :

  • Les 63/64èmes acquis par licitation en 2010 : la licitation a mis fin à l’indivision successorale d’origine, c’est-à-dire celle née en 1998 au décès de M BC. La licitation produit le même effet déclaratif qu’un partage. M AC devait donc être regardé comme ayant acquis seul cette fraction de l’immeuble à la date du 23 août 1998.
  • Le 1/64ème acquis en nue-propriété au décès de Mme EC, puis par extinction de l’usufruit au décès de son père : cette quote-part a été acquise au décès de sa mère en 2003, l’extinction de l’usufruit n’entrant pas en compte.

Décryptage

Cette décision est intéressante dans la mesure où elle nous éclaire sur la distinction à opérer en cas de cession ultérieure d’un bien partagé suivant que l’attributaire est, ou non, un membre originaire de l’indivision.

Aux termes de l’article 150 U du CGI, certains partages ne donnent pas lieu à l’imposition de la plus-value réalisée, quand bien même ils s’effectuent à charge du versement d’une soulte. Il s’agit des partages et licitations portant sur des biens dépendant d’une succession, des biens acquis par des époux ou des partenaires de PACS, des biens indivis issus d’une donation-partage et des biens indivis acquis par des concubins (tolérance administrative pour ce dernier cas). Le partage doit intervenir entre les membres originaires de l’indivision ou au profit de leur conjoint, des ascendants, des descendants ou des ayants droit à titre universel de l’un ou de plusieurs d’entre eux.

Pour ces partages exonérés, lorsque l’attributaire est un membre originaire de l’indivision, le BOFIP précise que, pour le calcul de la plus-value de revente :

  • Le prix d’acquisition s’entend de la valeur vénale du bien au jour de l’entrée dans l’indivision sans tenir compte des soultes éventuelles versées à l’occasion du partage (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10 n° 410) ;
  • La date d’acquisition est la date d’entrée en indivision (BOI-RFPI-PVI-20-20 n°40).

Mais le BOFIP ne précise rien s’agissant du partage dont l’attributaire est un conjoint/ ascendant/descendant/ayant droit à titre universel d’un membre originaire de l’indivision.

Doit-on retenir la date d’entrée en indivision du bien ou la date d’entrée en indivision de l’indivisaire attributaire ? Si l’attributaire est un membre originaire de l’indivision, il s’agit de la même date mais ce n’est pas le cas s’il s’agit d’un conjoint/ ascendant/descendant/ayant droit à titre universel d’un membre originaire de l’indivision.

Le Conseil d’Etat tranche : il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’une acquisition par fractions successives et il faut donc retenir :

  • Pour la partie reçue à titre gratuit : la date d’entrée en indivision de l’indivisaire ;
  • Pour le surplus reçu aux termes du partage : la date d’entrée en indivision du bien. Ce qui s’explique du fait que le partage, exonéré de plus-value, est considéré comme une opération intercalaire.

Il y aura donc lieu de retenir 2 prix d’acquisition différents :

  • Pour la partie reçue à titre gratuit : la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit dus par l’attributaire ;
  • Pour le surplus reçu aux termes du partage : la valeur vénale du bien au jour de son entrée dans l’indivision.

Conseil d’État – 8ème – 3ème chambres réunies

  • N° 436712
  • ECLI:FR:CECHR:2020:436712.20200909
  • Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Lecture du mercredi 09 septembre 2020

Rapporteur

M. Jean-Marc Vié

Rapporteur public

M. Romain Victor

Avocat(s)

SCP PIWNICA, MOLINIE

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. D… C… a demandé au tribunal administratif de la Réunion de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mise à sa charge au titre de l’année 2012, procédant de la taxation de plus-value de cession immobilière qu’il a réalisée le 28 juin 2012. Par un jugement n° 1600622 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de la Réunion a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d’un dégrèvement intervenu en cours d’instance et rejeté le surplus de cette demande.

Par un arrêt n° 17PA22865 du 16 octobre 2019, la cour administrative d’appel de Paris, après avoir jugé que la plus-value réalisée par M. C… lors de la cession le 28 juin 2012 du bien immobilier sis 14 quai Gilbert à Saint-Paul devait être calculée selon les règles en vigueur antérieurement au 1er janvier 2012, avec un abattement pour durée de détention de 80 % et sur la base d’un prix d’acquisition de 91 500 euros, a accordé à l’intéressé la décharge de la différence entre les impositions et majorations mises à sa charge et celles résultant de ces modalités de détermination de la plus-value.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 décembre 2019, 11 février et 15 juillet 2020 et au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’action et des comptes publics demande au Conseil d’Etat d’annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 ;
– le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. C… ;





Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’un contrôle sur pièces, M. A… C… a été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2012 procédant de la remise en cause de l’exonération, dont le contribuable avait cru pouvoir bénéficier au titre des dispositions du 1° du II de l’article 150 U du code général des impôts, de la plus-value de cession d’un immeuble intervenue le 28 juin 2012. Le ministre de l’action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2019 de la cour administrative d’appel de Paris en tant que celui-ci, après avoir rejeté les conclusions du contribuable tendant au bénéfice de l’exonération prévue en faveur de la cession d’une résidence principale, a estimé qu’il pouvait bénéficier, eu égard à la date d’acquisition du bien et à la durée de sa détention, d’un abattement de 80 pour cent de cette plus-value et a prononcé la décharge de la différence entre les impositions et majorations mises à la charge de l’intéressé et celles résultant des modalités de détermination ainsi définies.

2. D’une part, aux termes de l’article de l’article 150 U du code général des impôts :  » I.- Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques (…) lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (…) / II.- Les dispositions du I ne s’appliquent pas aux immeubles, aux parties d’immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (…) / IV.-Le I ne s’applique pas aux partages qui portent sur des biens meubles ou immeubles dépendant d’une succession ou d’une communauté conjugale et qui interviennent uniquement entre les membres originaires de l’indivision, leur conjoint, des ascendants, des descendants ou des ayants droit à titre universel de l’un ou de plusieurs d’entre eux. Il en est de même des partages portant sur des biens indivis issus d’une donation-partage et des partages portant sur des biens indivis acquis par des partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité ou par des époux, avant ou pendant le pacte ou le mariage. Ces partages ne sont pas considérés comme translatifs de propriété dans la mesure des soultes ou plus-values « .

3. D’autre part, aux termes de l’article de l’article 150 VC du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi de finances rectificative pour 2011 du 19 septembre 2011 :  » I. – La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC est réduite d’un abattement fixé à : – 2 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième ;/ – 4 % pour chaque année de détention au-delà de la dix-septième ; / – 8 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième. / La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés à l’article 150 UA est réduite d’un abattement de 5 % pour chaque année de détention au-delà de la deuxième. (…) « . En vertu du II de l’article 1er de la loi de finances rectificatives pour 2011 du 19 septembre 2011, les dispositions susmentionnées s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er février 2012, à l’exception des cessions de terrains nus constructibles du fait de leur classement, par un plan local d’urbanisme ou par un autre document d’urbanisme en tenant lieu, en zone urbaine ou à urbaniser ouverte à l’urbanisation ou, par une carte communale, dans une zone où les constructions sont autorisées, pour lesquelles une promesse de vente a été enregistrée avant le 25 août 2011 et la vente est conclue avant le 1er janvier 2013. Selon le même article 150 VC, dans sa rédaction antérieure :  » I.- La plus-value brute réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC est réduite d’un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième « .

4. Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article 883 du code civil :  » Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession « .

5. Il résulte de ces dernières dispositions que la licitation d’un bien dépendant d’une indivision successorale au profit d’un membre de cette indivision vaut partage. Une telle licitation valant partage a un effet déclaratif pour l’indivisaire attributaire du bien, qui conduit à regarder l’intéressé comme ayant exercé un droit de propriété sur le bien qui lui est échu depuis l’origine de l’indivision successorale, alors même qu’il ne serait entré dans cette dernière que par succession d’un indivisaire originel. Pour le calcul, en application des dispositions citées au point 3, de la fraction taxable de la plus-value de cession d’un bien que le contribuable s’est vu attribuer aux termes d’un acte de licitation valant partage, la durée de détention du bien cédé doit par suite être calculée à compter non de la date de la licitation mais de la date d’ouverture de la succession dont dépend ce bien.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le bien objet de la cession en litige appartenait initialement à M. B… C…, décédé le 23 août 1998, et qu’il a été inclus dans l’indivision successorale dont était membre, pour 1/8ème, Mme E… C…, sa tante. A la suite du décès de celle-ci, en 2003, puis de son époux, en 2007, M. A… C…, leur fils, est devenu titulaire par voie de succession, de même que chacun de ses sept frères et soeurs, d’1/64ème des parts de l’indivision successorale de M. B… C…. Aux termes d’un acte authentique reçu le 29 avril 2010, l’ensemble des autres titulaires de droits indivis sur l’immeuble en litige ont cédé à M. A… C…, à titre de licitation faisant cesser l’indivision, les 63/64èmes qu’ils possédaient. Enfin, ce dernier a cédé ce bien le 28 juin 2012.

6. Il résulte de ce qui est dit au point 5 que, s’agissant des 63/64èmes de l’immeuble en litige que M. A… C… a acquis à titre onéreux par l’effet de la licitation réalisée le 29 avril 2010, mettant fin à l’indivision successorale de M. B… C…, la cour administrative d’appel a pu déduire des circonstances rappelées ci-dessus, sans commettre d’erreur de droit ni inexactement qualifier les faits soumis à son appréciation, qu’en raison de l’effet déclaratif de cette licitation résultant des dispositions précitées du code civil, M. A… C… devait être regardé comme ayant acquis seul cette fraction de l’immeuble à la date du 23 août 1998, correspondant à l’ouverture de la succession consécutive au décès de M. B… C…, de sorte que cette date constituait le point de départ de la durée de détention à prendre en compte pour déterminer l’abattement à lui appliquer ainsi que la valeur de l’immeuble pour le calcul de la plus-value en litige.

7. En revanche, l’effet déclaratif de la licitation valant partage est sans incidence sur le point de départ à retenir pour déterminer la durée de détention du 1/64ème de l’immeuble dont M. A… C… a acquis la nue-propriété à titre gratuit par voie successorale au décès de sa mère, en 2003, puis la pleine propriété au décès de son père, en 2007.

8. Il en résulte qu’en fixant de manière globale au 23 août 1998 le point de départ à retenir pour déterminer, en vue du calcul de la part taxable de la plus-value de cession, la durée de détention du bien en litige, qui devait être regardé comme ayant été acquis par fractions successives, la cour a commis une erreur de droit.

9. Par suite, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, à demander l’annulation des articles 1er à 3 de l’arrêt qu’il attaque.

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
————–
Article 1er : Les articles 1er à 3 de l’arrêt du 16 octobre 2019 de la cour administrative d’appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions de M. C… présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à M. D… C….

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