La Cour de cassation, dans deux affaires, vient préciser les contours de l’imputation des libéralités reçues par le conjoint survivant. Décryptage.
Dans la première affaire (n° 20-12.232), un homme décède en juin 2013, laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants issus d’un précédent mariage.
Deux mois plus tôt, il avait acquis un appartement avec sa femme, avec stipulation entre eux d’un pacte tontinier.
Les enfants de Monsieur portent l’affaire jusqu’à la Cour d’appel de Colmar, qui requalifie le pacte tontinier en donation indirecte, soumise au rapport successoral.
L’épouse survivante forme un pourvoi au motif « que le rapport successoral qui s’exécute en moins prenant par le débiteur est une opération qui participe à la détermination de la masse partageable et qui est dû par l’héritier à ses cohéritiers, à l’exclusion du conjoint ; que ce dernier est soumis à la règle spéciale d’imputation selon laquelle les libéralités qui lui ont été consenties s’imputent, en moins prenant, sur ses droits ab intestat et ne conduisent pas à une restitution à la masse partageable ; qu’en décidant que la donation consentie à son épouse par le de cujus devait faire l’objet d’un rapport successoral pour intégrer la masse à partager, la cour d’appel a violé ensemble les articles 758-6 et 843 du code civil. »
Dans la deuxième affaire (n° 19-25.158 et 20-10.091), un homme décède en laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants issus d’un précédent mariage. Il a institué son épouse légataire à titre particulier d’une maison d’habitation, des meubles s’y trouvant et d’une somme d’argent. Un litige nait concernant l’étendue des droits de l’épouse. La Cour d’appel de Toulouse retient que la libéralité dont l’épouse bénéficie s’impute sur ses droits légaux qui sont d’un quart en pleine propriété.
L’épouse survivante forme un pourvoi invoquant les dispositions de l’article 843 du code civil, selon lequel les legs sont réputés faits hors part successorale, et qu’en vertu de ce texte, elle était en droit de cumuler le legs et les droits successoraux dont elle était titulaire en sa qualité de conjoint survivant en vertu des dispositions de l’article 757 du code civil.
La Cour de cassation, reprend le même attendu de principe dans les deux arrêts en date du 12 janvier 2022 : après avoir rappelé les dispositions des articles 758-5 et 758-6 du Code civil (relatifs aux masses de calcul et d’exercice du droit en toute propriété du conjoint survivant et à l’imputation des libéralités reçues par le conjoint survivant), elle énonce :
« 8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le conjoint survivant est tenu à un rapport spécial en moins prenant des libéralités reçues par lui du défunt dans les conditions définies à l’article 758-6. »
Pour la 2ème affaire, la Cour de cassation précise en outre :
« 9. Dès lors, la présomption de dispense de rapport des legs prévue à l’article 843 du code civil étant inapplicable au conjoint survivant, la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes. »
Pour accéder aux deux décisions :