Une personne reçoit par donation simple une somme d’argent qu’elle investit dans l’acquisition d’un bien immobilier, sur lequel elle réalise des travaux. Le bien est revendu. Le donateur décède. Comment doit être valorisée la valeur rapportable ? La Cour de cassation casse la CA de REIMS.
La décision
Une personne reçoit une somme d’argent de 18.375 €, par donation simple de sa mère.
Elle l’investit dans l’acquisition d’un bien immobilier au prix de 26.250 €.
Elle finance au moyen de ses deniers personnels les 30% qui lui manquent pour acheter soit 7.875 €, ainsi que les travaux qu’elle réalise pour un montant de 113.652 €.
Puis elle revend ce bien immobilier quelques années plus tard, pour 300.000 €.
Sa mère décède, et la question du montant de son rapport successoral prend une tournure contentieuse.
La Cour d’appel de REIMS affirme que le montant du rapport doit se calculer comme suit :

La Cour de cassation, par une décision Civ. 1 n°19-2318 du 17 novembre 2021, casse aux motifs suivants :
« … le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.
Pour fixer le montant de l’indemnité de rapport, l’arrêt déduit du prix de l’aliénation du bien réalisée en 2007 le montant des travaux et dépenses justifiés …
En statuant ainsi, alors qu’il lui incombait de rechercher la valeur que le bien aurait eue à l’époque du partage dans l’état où il se trouvait, au moment de la donation, sans qu’il y ait lieu de s’attacher aux travaux réalisés par la donataire, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Décryptage
L’article 860 du Code civil fixe les conditions du rapport successoral :
« Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.
Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.
… »
La solution n’est pas nouvelle :
- Cass. 1re civ., 31 mai 2005 n° 03-11.133 : « Attendu, pour fixer à un certain montant, en vue de leur rapport, la valeur (…) d’une maison donnée le 9 mai 1986 à M. Marc X… par leurs parents, l’arrêt attaqué (…) a déduit de la valeur actuelle de la maison le montant de factures correspondant à des travaux d’amélioration réalisés par le donataire depuis la date de la donation ; Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher la valeur des biens à l’époque du partage sur la base de leur état à l’époque de la donation, la cour d’appel a violé le texte susvisé, par fausse application ; »
- Cass. 1re civ., 14 janvier 2015 n° 13-24.921 : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui incombait de rechercher la valeur que le bien aurait eue à l’ouverture de la succession dans l’état où il se trouvait, en 1989, au moment de la donation, sans qu’il y ait lieu de s’attacher aux travaux réalisés par le donataire, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
Il s’agit ici d’un rappel à l’ordre pour les juges du fond : la valeur d’un bien après travaux n’est pas égale à la somme de sa valeur avant travaux et du montant des travaux réalisés. Le juge ne peut pas se contenter de déduire de la valeur du bien le montant des travaux réalisés, il doit faire expertiser le bien pour connaître la valeur qu’il aurait eu si les travaux n’avaient pas été réalisés.
Pour consulter la décision :