RESOLUTION DE VENTE EN VIAGER POUR DEFAUT DE PAIEMENT DE LA RENTE : LE BOUQUET DOIT-IL ETRE REMBOURSE ?

Suite à une défaillance du débirentier, le juge constate la résolution de la vente. La maison est restituée au vendeur, les arrérages perçus lui sont acquis à titre d’indemnité, mais doit-il rembourser le bouquet perçu ? La Cour de cassation se prononce.

La décision

En janvier 1992, Monsieur et Madame N vendent leur maison à Monsieur O, moyennant le prix de 1MF payé :

  • Comptant à hauteur de 440.000 F
  • Et moyennant une rente viagère d’un montant mensuel de 4.300 F.

En août 2015, le débirentier arrête de payer. Les vendeurs assignent en résolution de la vente, paiement des arrérages impayés et expulsion.

Le débirentier fait grief à l’arrêt – CA de PAU 23 novembre 2021 – de le condamner à payer alors notamment qu’en cas de résolution du contrat, les parties doivent être mises dans la même situation que s’il n’y avait pas eu de contrat. Dès lors, la restitution du bouquet devait être ordonnée.

La Cour de cassation – Civ. 3 n°22-13.209 du 14 septembre 2023, publié au bulletin – lui donne raison :

« 6. Les consorts [N] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que M. [X] [O] n’a jamais demandé, ni devant le tribunal ni devant la cour d’appel, la restitution du « bouquet » et n’a pas non plus invoqué les termes de la clause résolutoire pour s’opposer au paiement, aux crédirentiers, des arrérages échus et impayés.

7. Cependant, il est jugé que la restitution de la chose et du prix constituent une conséquence légale de la résolution du contrat (3ème Civ., 29 janvier 2003, pourvoi n° 01-03.185 ; 3ème Civ, 4 avril 2019, pourvoi n° 17-26.783).

… Vu les articles 1134 et 1183 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10.Il résulte du second que la condition résolutoire entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales.

11. Pour liquider la créance des consorts [N] à la somme de 28 495 euros, l’arrêt retient que la rente ayant continué à courir jusqu’à l’acquisition de la clause résolutoire, M. [O] doit être condamné à payer aux consorts [N] la somme de 830 euros par mois depuis le mois d’août 2015 jusqu’à la prise d’effet du commandement visant la clause résolutoire, soit 14 940 euros, somme à laquelle il faut ajouter les indemnités d’occupation dues jusqu’à la libération des lieux et retrancher les arrérages versés de janvier 2012 à août 2015.

12. En statuant ainsi, sans ordonner la restitution du « bouquet » correspondant à la part du prix payée comptant lors de la signature du contrat et en incluant dans son calcul le paiement des arrérages échus et impayés au jour de la résolution, après avoir constaté, par motifs adoptés, que la clause résolutoire prévoyait qu’en cas de résolution du contrat, seuls les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien demeuraient acquis au vendeur, et sans retenir que le « bouquet » et les arrérages échus et impayés étaient laissés au vendeur à titre de dommages-intérêts, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »

Pour consulter la décision :https://www.courdecassation.fr/decision/6502aeda19cd7f05e6c29c1f?judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre[]=civ3&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=0&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=2

Décryptage

Il y a presque un an, nous commentions un arrêt de la Cour suprême sous le titre : LA CLAUSE RESOLUTOIRE : POINT DE FAIBLESSE CENTRAL DE LA VENTE EN VIAGER

Nous constations notamment :

« Voilà le point de faiblesse central du viager : que faire si le débirentier est défaillant ?

Annuler la vente au moyen d’une clause résolutoire de plein droit ? Et après ? Le vendeur ayant atteint un âge avancé se retrouvera privé de revenus souvent essentiels pour lui.

Stipuler une clause résolutoire dépourvu d’automatisme ? C’était le cas ici. Et après ? S’engager dans un contentieux judiciaire ? En l’espèce, le crédirentier est décédé en cours d’instance. C’est dire si cette solution n’est pas non plus évidente. »

Nous pourrions faire les mêmes commentaires ici. Tant les vendeurs que l’acquéreur sont d’ailleurs décédés en cours d’instance.

La question était de savoir si le bouquet devait être restitué.

Au visa de l’article 1183 du Code civil (dans sa version applicable aux faits – transposé à l’article 1229 du Code civil), la Cour de cassation énonce que : « la condition résolutoire entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales. »

Il en résulte qu’en cas de résolution, le bouquet doit être restitué.

Toutefois, il peut être stipulé dans l’acte de vente une clause pénale prévoyant qu’en cas de résolution, le bouquet reste acquis au vendeur. Ce n’était pas le cas en l’espèce, la clause pénale prévoyant qu’en cas de résolution du contrat, seuls les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien demeuraient acquis au vendeur.

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