Lorsqu’une personne, agissant en qualité d’assujetti à la TVA, vend un terrain à bâtir, dans quelles conditions la vente peut-elle être soumise à la TVA sur la marge ?
Il s’agit de la question au cœur du dossier « ICADE PROMOTION ».
Pour rappel, entre 2007 et 2008, ladite société, en sa qualité de lotisseur, acquiert des terrains auprès de personnes non assujetties à la TVA, donc hors du champ d’application de la TVA et sans option possible.
Elle viabilise, subdivise, puis revend des terrains à bâtir à des particuliers, en vue de la construction de logements par ces derniers.
A cette occasion, elle opte pour le régime de la taxation sur la marge. Puis, constatant qu’à aucun moment, l’opération n’est entrée dans le champ d’application de la TVA, elle réclame aux services fiscaux le remboursement de la TVA sur la marge qu’elle a acquittée.
L’administration refuse, de même que le TA de MONTREUIL puis de la CAA de VERSAILLES. Le Conseil d’Etat annule partiellement l’arrêt et renvoie devant la CAA, laquelle déboute à nouveau la société ICADE PROMOTION, laquelle saisit le Conseil d’Etat, invoquant la non-conformité du régime de taxation sur la marge avec l’article 392 de la directive TVA.
Le Conseil d’Etat (arrêt du 25 juin 2020 n° 416727) sursoit à statuer et pose deux questions préjudicielles à la CJUE que l’on peut résumer ainsi :
- Le régime de taxation sur la marge est-il applicable à toutes les hypothèses où l’acquisition n’a pas fait l’objet d’un versement de TVA ?
- Le régime de la taxation sur la marge est-il subordonnée à la nécessité d’une identité juridique ou physique entre le bien acquis et le bien revendu ?
Dans sa décision C-299/20 du 30 septembre 2021, la CJUE répond en substance :
- que le régime de la TVA sur la marge s’applique à la cession d’un terrain à bâtir par un vendeur assujetti agissant en tant que tel, si :
- Soit l’acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe,
- Soit l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA (hors champs d’application, par exemple vente par un non assujetti) alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Reste à déterminer dans quelles conditions apprécier un tel critère.
- que l’application du régime de la TVA sur la marge nécessite une identité juridique entre bien acquis et bien revendu mais pas une identité physique.
Le champ d’application du régime de TVA sur la marge est donc différent de ce qui résulte de la doctrine administrative française actuelle.
Suite à l’arrêt de la CJUE, il est fait part de la position de l’administration par la réponse ministérielle GRAU du 1er février 2022 (RM n°42486 JOAN 1er fév 2022) :
- Tant que la mise à jour du BOFIP (devant intervenir après que le juge national aura tranché le litige et en concertation avec les acteurs du secteur immobilier) n’est pas intervenue, la doctrine administrative, même en contradiction avec la position de la CJUE, peut lui être opposée.
- Lors de la publication de la mise à jour du BOFIP, les opérations en cours ne seront pas concernées par la nouvelle doctrine (sous réserve de l’antériorité de l’acquisition ou au moins de la signature d’un compromis).
Le Conseil d’Etat a rendu son arrêt le 12 mai 2022 (décision CE 12 mai 2022, n° 416727), rejetant le pourvoi de la société ICADE PROMOTION.
Depuis, la mise à jour de la doctrine administrative n’est toujours pas intervenue …
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