Un contrat d’assurance-vie est nanti au profit d’une banque par son souscripteur. Puis la Compagnie reçoit un ATD de la part du Trésor public. Doit-elle payer ? La Cour de cassation répond.
La décision
L’administration fiscale, titulaire d’une créance contre le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie, adresse un avis à tiers détenteur à la Compagnie ANTARIUS. Cette dernière refuse de payer au motif que le contrat d’assurance a fait l’objet d’un nantissement antérieur au profit du CREDIT DU NORD.
La Cour d’appel de Paris condamne l’assureur à verser le montant réclamé au motif que le privilège du Trésor doit, en raison de son rang, s’exercer avant tout autre et primer le nantissement de la créance du souscripteur quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué. Le comptable du service des impôts peut donc exercer la faculté de rachat aux lieu et place du souscripteur.
Sa portée
L’article L 132-14 du Code des assurances pose le principe : sauf exceptions, le capital ou la rente garantis au profit d’un bénéficiaire ne peuvent être réclamés par les créanciers du souscripteur.
Parmi les exceptions, figure celle résultant de l’article L 262 du LPF :
« 1. Les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l’objet d’une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables.
(…)
2. Lorsque la saisie administrative à tiers détenteur porte sur un contrat d’assurance rachetable, elle entraîne le rachat forcé dudit contrat. Elle a pour effet d’affecter aux créanciers mentionnés au 1 la valeur de rachat du contrat d’assurance au jour de la notification de la saisie, dans la limite du montant de cette dernière.
Ces dispositions s’appliquent au redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l’objet de limitations.
(…) »
La Cour de cassation rappelle qu’en cas de nantissement, la faculté de rachat appartient au créancier nanti. Le contrat n’étant plus rachetable par le souscripteur, il n’est plus saisissable. (voir dans le même sens : Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-19.340 ; Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-11.417 et 19-13.636 et n° 19-10.308).
La doctrine administrative elle-même en est arrivée à la même conclusion lors de la mise à jour du BOFIP à l’occasion des commentaires sur la création de la « saisie administrative à tiers détenteur » (BOI-REC-FORCE-30-30-20-10) :
Pour être saisissable, un contrat d’assurance-vie doit être rachetable, ce qui exclut la saisie des contrats de retraite à cotisations définies, des plans d’épargne retraite populaire sauf en cas de survenance de l’un des événements ouvrant la faculté de rachat et des assurances temporaire en cas de décès.
Même rachetable, un contrat d’assurance-vie ne peut pas faire l’objet d’une saisie en cas :
- De délégation de créance antérieurement consentie,
- De nantissement de créance antérieurement constitué,
- D’acceptation préalable du contrat par le bénéficiaire.
Du fait de cette prise de position formelle depuis le 27 novembre 2019, le contentieux devrait se tarir.
Dans un arrêt n°19-10420 du 17 septembre 2020, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation casse au visa de l’article 2363 du code civil et de l’article L. 132-10 du code des assurances :
« 4. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d’un nantissement de contrat d’assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés. »