Un pacte d’associés est conclu pour la durée de vie de la société et comprend diverses dispositions post mortem. Faut-il y voir un pacte sur succession future ? La convention est-elle résiliable unilatéralement ? La Cour de cassation tranche.
La décision
En janvier 2010, Monsieur F, ses cinq enfants, et la société HC, tous actionnaires de la SAS SOCRI Promotions, concluent un pacte d’actionnaires prévoyant ce qui devra être mis en œuvre lorsque Monsieur F ne sera plus associé au sein du groupe, afin que ce dernier reste au sein de la famille. Par courrier de février 2017, Monsieur F et la société HC notifient à l’un des enfants la résolution unilatérale du pacte.
L’enfant en question assigne alors son père, la société HC, et la société SOCRI Promotions afin qu’il soit jugé que la résolution du pacte avait été mise en œuvre de manière abusive et qu’elle était irrégulière et inefficace.
La Cour d’appel – CA Aix-en-Provence Chambre 3-4 du 17 octobre 2019 – le déboute.
Un pourvoi est formé aux motifs :
- D’une part que ledit pacte constitue un pacte sur succession future en ce sens qu’il a pour objet d’attribuer un droit éventuel sur tout ou partie d’une succession non ouverte, et qu’à ce titre, il est nul.
- D’autre part que ledit pacte conclu pour la durée de vie de la société, soit 58 ans, est à durée déterminée et non d’une durée excessive assimilable à ce titre à une durée indéterminée. Il ne peut donc y être mis fin unilatéralement.
La Cour de cassation – Chambre civile 1, 25 janvier 2023, 19-25.478, Publié au bulletin – tranche :
« Aux termes de l’article 722 du code civil, les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.
Lorsque la nullité en résultant n’affecte qu’une ou plusieurs clauses de l’acte, elle n’emporte sa nullité en son entier que si cette ou ces clauses en constituent une condition essentielle et déterminante.
… Vu l’article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article 1838 du même code :
13. Il résulte de la combinaison de ces textes que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement. »
Décryptage
Cette décision est intéressante :
- Tout d’abord elle rappelle le champ d’application de la nullité d’une convention constitutive d’un pacte sur succession future – art 722 C. civ. : seules les clauses encourant la qualification sont nulles. L’acte n’encourt la nullité en son entier que si lesdites clauses en constituent une condition essentielle et déterminante.
- Un pacte d’associés conclu pour la durée de vie de la société à laquelle il se rapporte n’est pas à durée indéterminée, la durée de vie d’une société étant encadrée. Par suite, il ne peut pas faire l’objet d’une résiliation unilatérale.
Ces deux questions trouvent un écho naturel et évident en matière d’exonération partielle de l’article 787 B du CGI – dispositif « Dutreil ». En effet, nous mettons régulièrement en garde les praticiens contre les risques liés à la conclusion d’un engagement collectif ou unilatéral de conservation de titres pour une durée indéterminée ou de deux ans renouvelables pour une durée indéterminée. Selon le contenu desdites conventions, la question de la qualification de certaines clauses en pactes sur succession future pourrait le cas échéant se poser aussi.
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