La cession de titres de participation, par une holding, à un prix inférieur à la réalité, peut-elle constituer une donation indirecte par l’un de ses associés ? La Cour de cassation se prononce.
Une personne décède, laissant pour lui succéder, son épouse, leur fille commune, et ses deux fils issus d’une première union. Les deux fils assignent l’épouse et la fille commune, en rapport à la succession de diverses donations déguisées de parts sociales.
En l’espèce, était notamment visée la cession par une société holding, de titres détenus dans une SARL de gestion immobilière.
Les défenderesses invoquent l’article 893 du Code civil :
« La libéralité est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne … »
Le défunt détenait des titres au sein de la holding. Les titres en cause n’ont donc pas été cédés par lui-même mais par ladite holding. Dès lors, elles considèrent que les conditions de la cession par cette dernière ne pouvaient recéler une donation déguisée.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt n°19-23580 du 7 juillet 2021, leur donne raison et casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, au motif que pour dire que l’expertise portera sur la cession de parts sociales de la SARL de gestion immobilière, l’arrêt retient que le défunt détenait des parts dans cette société et était partie prenante des décisions la concernant.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que les parts cédées étaient détenues par la holding, de sorte que le défunt, qui n’en était pas propriétaire, n’avait pu en disposer, fût-ce de façon déguisée, la Cour d’appel a violé l’article 893 du Code civil.
Pour consulter l’arrêt :
L’interprétation que fait la Cour de cassation de l’article 893 du Code civil ouvre-t-elle un eldorado aux donations déguisées ?
Suffirait-il, pour écarter tout risque de requalification, de procéder à des cessions sous-valorisées non pas directement mais par l’intermédiaire d’une holding ?
Il ne nous semble pas, d’autant que la Cour de cassation a déjà reconnu que l’interposition d’une société n’est pas un obstacle à la qualification d’une donation :
- « la société (…) composée à parts égales de trois enfants des époux (…) constituant un intermédiaire qui ne saurait masquer l’existence d’une substantielle donation indirecte faite à trois héritiers réservataires dont ils devaient faire rapport à la succession de leur père (…) caractérisant ainsi l’existence de l’intention libérale de ce dernier » (Cass. 1ère civ., 4 juillet 2007, 05-20.096) ;
- « en cas de donation faite par le défunt à l’héritier par interposition d’une société dont ce dernier est associé, le rapport est dû à la succession en proportion du capital qu’il détient » (Cass. 1ère civ., 24 janvier 2018, 17-13.017 et 17-13.400).
Certes, les circonstances de ces deux espèces étaient différentes de celle qui nous intéresse ici.
Mais alors, quelle est la portée de la décision de juillet 2021 ? L’écran que constitue la société fait-il ou non obstacle à la qualification d’une donation ?
Il nous semble difficile, à ce stade, de tirer des conclusions de principe. Rappelons simplement une fois de plus l’importance de rester cohérent sur les valorisations retenues.
Dans un contexte tout autre qu’est celui de l’acquisition en démembrement d’immobilier d’entreprise, ces questions sont essentielles. Voir à ce titre :
Le praticien face à l’acquisition en démembrement de l’immobilier d’entreprise