Un couple marié en séparation de biens acquiert un bien immobilier avec stipulation d’un pacte tontinier. Le financement intégral par Monsieur ainsi que son décès imminent peuvent-ils justifier l’abus de droit fiscal dès lors que le conjoint survivant est exonéré de droits de succession ?
Monsieur et Madame X, mariés en séparation de biens, achètent ensemble un appartement, pour un prix de revient global de 734.600 €, financé au moyen d’apports personnels de Monsieur à concurrence de 280.600 € et d’un emprunt à concurrence de 454.000 €, remboursé grâce au produit de la vente de biens personnels à Monsieur.
L’acte d’acquisition comporte une clause d’accroissement, plus connue sous le nom de « pacte tontinier ».
Monsieur X décède deux mois après l’acquisition. Son épouse est alors réputée avoir toujours été l’unique propriétaire depuis l’acquisition.
L’administration réagit : la clause d’accroissement était dépourvue de tout aléa. Elle n’avait pas d’autre but que de dissimuler une donation. En effet, Monsieur X avait financé l’intégralité du prix de revient. Il ne pouvait donc retirer aucun bénéfice de cette opération. De plus, il est décédé des suites d’une maladie dont il se savait déjà atteint au moment de l’acquisition.
Il en coutera au contribuable le paiement des droits liquidés sur une donation, augmentés de la pénalité pour abus de droit de 80%.
L’épouse survivante conteste au motif qu’elle était exonérée de droits de succession. Si son conjoint avait acquis seul ledit bien et l’avait désignée légataire universelle, elle en aurait hérité sans coût fiscal.
Le comité de l’abus de droit fiscal, dans une affaire n°2021-08, retient les arguments de l’administration pour écarter la qualification de tontine, en l’absence d’aléa :
- déséquilibre manifeste dans le financement du bien privant M. de toute espérance de gain de sorte que la clause d’accroissement doit être regardée comme dépourvue de tout aléa économique,
- le prédécès de M. était probable et ne constituait pas pour les parties un événement aléatoire.
Il en résulte que la clause d’accroissement, qui ne présentait aucun aléa, est entachée de
simulation et caractérise une donation déguisée de biens présents à terme soumise aux droits de donation.
L’abus de droit est constitué, la pénalité est légitime.
La solution peut sembler rude, compte tenu de l’exonération de droits de succession entre conjoints. Néanmoins, c’est sans compter sur la réalité patrimoniale de leur situation :
Si Monsieur X avait acquis seul, rien ne garantit que son épouse eût hérité du bien.
La situation n’est donc pas comparable avec les contraintes d’une clause d’accroissement.
Pour accéder à l’avis du CADF du 6 mai 2021 :