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A QUELLES CONDITIONS UNE DONATION « REMUNERATOIRE » ECHAPPE-T-ELLE AU RAPPORT SUCCESSORAL ?

Un homme verse de son vivant une somme à son épouse séparée de biens pour l’indemniser de ses sacrifices professionnels et de son implication au foyer. A quelle conditions le fondement « rémunératoire » de cette donation la requalifie-t-il en indemnité non soumise à rapport ? La Cour de cassation se prononce.

La décision

Un homme décède en août 2013, laissant pour lui succéder son épouse séparée de biens, leurs deux enfants, et ses deux enfants issus d’une précédente union.

Les deux enfants issus de la première union assignent leurs cohéritiers en partage de la succession et réclament notamment le rapport de la somme de 457.000 € remise en 2005, par leur père à son épouse.

Par un arrêt du 14 janvier 2020, la Cour d’appel de VERSAILLES écarte l’obligation au rapport au motif que la donation était « rémunératoire ». En effet Monsieur s’était opposé à ce que son épouse créé son entreprise. Elle avait alors cessé toute activité professionnelle pour s’occuper des enfants de son conjoint, permettant à celui-ci de gérer ses affaires. Elle avait donc contribué aux charges du mariage au-delà de son obligation normale, ce qui justifiait la remise de ladite indemnité.

Les deux enfants forment alors un pourvoi au motif qu’une donation ne peut être considérée comme rémunératoire qu’à condition que l’époux gratifié ait exercé au bénéfice de son époux une activité excédant sa contribution aux charges du mariage. Les constatations de fait de la Cour d’appel étaient impropres à établir cette condition.

La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, par une décision n°20-14272 du 9 février 2022, considère que les éléments de fait suffisaient à ce que la Cour d’appel établisse souverainement que la volonté du défunt était de compenser les sacrifices professionnels et l’intense activité au foyer de Madame.

Décryptage

Pour qualifier une donation, rappelons tout d’abord qu’il y a lieu de justifier de trois conditions cumulatives :

  • Un appauvrissement du donateur,
  • Un enrichissement corrélatif du donataire,
  • Une intention libérale.

Lorsque le fondement de la donation est plus indemnitaire que libéral, il ne s’agit alors plus d’une donation.

La « donation rémunératoire » correspond à une rémunération, non à une intention libérale. Considérée comme réalisée à titre onéreux, elle n’est pas assujettie au droit des libéralités. La somme perçue échappe donc aux règles du rapport successoral.

Le critère d’appréciation du caractère indemnitaire doit être tempéré par l’obligation de contribution aux charges du mariage. Le lien matrimonial implique en effet un investissement personnel minimum ne pouvant légitimer aucune indemnité.

En l’espèce, la somme versée était importante.  L’appréciation souveraine des juges du fond a néanmoins été validée ici par la Cour suprême.

Cette question, très fréquente en matière de divorce jusqu’à la suppression de la libre révocabilité des donations conjugales de biens présents, devrait à l’avenir surtout se rencontrer en matière de succession.

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045167430?page=1&pageSize=10&query=20-14272&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT

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