Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

ABUS DE DROIT POUR DEFAUT DE SUBSTANCE ECONOMIQUE ET JURIDIQUE D’UNE HOLDING

Un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de LYON illustre le défaut de substance économique et juridique d’une société permettant de retenir l’abus de droit.

La décision

En 2010, les associés d’une SCI à l’IR créent une holding en apportant l’usufruit temporaire de leurs parts de la SCI.

Le résultat de la SCI est en conséquence déterminé selon les règles applicables en matière de BIC, en vertu des dispositions de l’article 238 bis K du CGI.

L’administration fiscale considérant que la holding est dépourvue de consistance économique, invoque l’abus de droit pour imposer un des associés à l’impôt sur le revenu à raison des revenus fonciers de la SCI.

Le redevable conteste.

La Cour administrative d’appel – CAA LYON, 9 février 2023, 21LY01699, Inédit au recueil Lebon – donne raison à l’administration :

« Il résulte de l’instruction que, pour démontrer l’abus de droit, l’administration a estimé que l’interposition de la SC Holding Agichar relevait d’un montage juridique et économique artificiel. Pour ce faire, elle a relevé que cette société, qui a pour objet la gestion d’un portefeuille de participations incluant toute opération financière, mobilière ou immobilière, n’a justifié depuis sa création, au titre de ses immobilisations, que de la détention des parts détenues en usufruit dans la SCI Serre de Brujas et n’a réalisé aucune transaction financière en lien avec son objet. A ce titre, si les requérants se prévalent de cinq attestations démontrant selon eux la réalité de recherches d’investissements menées par les deux associés, MM. Jean-Paul A… et Christian Charensol, les attestations produites évoquent de façon non circonstanciée des négociations n’ayant pas abouti pour acquérir différents complexes touristiques sans que celles-ci ne permettent de conclure avec certitude, ce que les requérants ne contestent pas d’ailleurs, que les recherches ont bien été menées par les associés pour le compte de la SC Holding Agichar et non pour le compte d’une autre société que ces derniers détenaient également, à savoir la SARL Domaine des Garrigues, citée dans deux des attestations versées au dossier. Ces attestations ne suffisent pas à démontrer l’existence d’une activité de gestion de titres de la SC Holding Agichar ni même d’une réelle volonté de débuter une telle activité. L’administration a également relevé que, depuis sa création, la SC Holding Agichar ne dispose ni de compte bancaire, ni de comptabilité et qu’elle n’a tenu aucune assemblée générale. Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’administration était fondée à considérer que la SC Holding Agichar était dénuée de substance économique et que sa création ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial. L’administration apporte ainsi la preuve qui lui incombe que la création et l’interposition de la SC Holding Agichar présentaient un caractère artificiel et que ce montage a été réalisé dans le but exclusif de permettre à M. D… A… d’éluder le paiement de l’impôt dont il aurait été personnellement redevable en fonction de sa quote-part détenue dans la SCI Serre de Brujas sur les revenus fonciers perçus et de permettre à la SC Holding Agichar, soumise à l’impôt sur les sociétés, de déduire de ses charges des amortissements, à hauteur en l’espèce d’un montant de 91 925 euros en 2015 et de 91 497 euros en 2016, lesquels n’auraient pas été déductibles des revenus fonciers perçus par les associés en fonction de leur quote-part respective dans la SCI. Par suite, c’est à bon droit que le service a écarté la création puis l’interposition de cette société comme ne lui étant pas opposable et qu’il a imposé les revenus perçus par la SCI Serre de Brujas entre les mains de chacun des associés à hauteur de leurs parts dans cette société. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047191704/

Décryptage

En application de l’article L. 64 du LPF, l’administration peut écarter comme ne lui étant pas opposables, deux catégories d’actes :

  • Les actes fictifs,
  • Et les actes qui recherchent le bénéfice d’une application littérale des textes ou décisions à l’encontre des objectifs de leurs auteurs dans le but exclusif d’éluder ou de réduire l’impôt.

Depuis la Loi de finances pour 2019 ayant créé l’article L 64 A du LPF, peut également être invoqué l’abus de droit « nouveau » pour « les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales ».

A l’époque des faits, seul l’abus de droit « ancienne version » de l’article L. 64 du LPF existait.

Mais concernant l’article L 64 du LPF, le Conseil d’Etat s’était déjà écarté de la lettre du texte pour en retenir l’esprit : le but d’une opération est exclusivement fiscal lorsque l’avantage autre que fiscal présente un caractère dérisoire ou minime . Il était donc déjà retenu une notion de motif « essentiellement » fiscal et non « d’exclusivement » fiscal en jurisprudence.

Le comité de l’abus de droit fiscal n’ayant pas été saisi, la charge de la preuve de l’existence de l’abus de droit incombe à l’administration.

Pour apprécier l’existence d’un éventuel abus de droit par fraude à la loi, il y a lieu de :

– vérifier si les actes mis en cause ont été inspirés par un but exclusivement fiscal, en examinant la substance économique et juridique du montage (critère subjectif) ;

– déterminer si l’avantage obtenu par le contribuable à l’aide de cet acte artificiel est contraire aux objectifs du législateur (critère objectif).

Pour conclure que la holding était dénuée de substance économique et que sa création ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial, la Cour souligne que :

– la holding n’a réalisé aucune transaction financière en lien avec son objet,

– il n’est pas justifié que les recherches d’investissements menées par les associés l’ont bien été pour le compte de la holding et non pour le compte d’une autre société,

– la holding ne dispose ni de compte bancaire, ni de comptabilité et qu’elle n’a tenu aucune assemblée générale.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, elle en conclut que la création et l’interposition de la holding présentaient un caractère artificiel et que ce montage a été réalisé dans le but exclusif de permettre à l’associé d’éluder l’impôt sur les revenus fonciers.

Abonnements

Partager
Facebook
Twitter
LinkedIn
E-mail
AVERTISSEMENT

Les sites resodinfo.fr et communaute.resodinfo.fr s’adressent à des professionnels ou futurs professionnels du droit, du chiffre, de la finance, de la gestion de patrimoine, …

Ils ne sont pas destinés à des internautes non professionnels ne possédant pas l’expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre leurs propres décisions et évaluer correctement les risques encourus.

Toutes les informations disponibles sur les sites ont un caractère exclusivement indicatif.

Les contenus publiés n’ont aucun caractère exhaustif et ne font qu’exprimer un avis, inopposable en cas d’action, recours ou contentieux devant les autorités, juridictions administratives, judiciaires ou à l’égard de tout tiers. Ces contenus sont communiqués à titre purement informatif et ne peuvent en aucun cas être considérés comme constituant une consultation fiscale et/ou juridique.

Les informations disponibles sur les sites ne constituent en aucun cas une incitation à investir et ne peuvent être considérées comme étant un conseil d’investissement. En aucun cas, les informations publiées sur les sites ne représentent une offre de produits ou de services pouvant être assimilée à un appel public à l’épargne, ou à une activité de démarchage ou de sollicitation à l’achat ou à la vente d’OPCVM ou de tout autre produit de gestion, d’investissement, d’assurance…

Il est toutefois rappelé que les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

La société Resodinfo ne saurait être tenue responsable de toute décision fondée sur une information mentionnée sur les sites resodinfo.fr et communaute.resodinfo.fr.

Aucune garantie ne peut être donnée quant à l’exactitude et l’exhaustivité des informations diffusées.

Resodinfo, et ses fournisseurs d’information et/ou de contenu à caractère commercial, ne pourront voir leurs responsabilités engagées du fait des informations fournies, y compris en cas de pertes financières directes ou indirectes causées par l’utilisation des informations fournies.