Un associé peut-il échapper à l’application d’un pacte d’associés en invoquant sa contrariété à une clause statutaire d’exclusion ? La Cour de cassation se prononce.
La décision
M. Y, président et associé d’une SELAS, conclut avec d’autres associés, aux droits desquels est venue la société FW, un pacte d’associés stipulant qu’en cas de non-respect de l’un quelconque de ses engagements par l’une des parties, la partie fautive s’engage irrévocablement, après mise en demeure restée infructueuse, soit à acquérir la totalité des actions de la partie victime de la défaillance, soit à lui céder la totalité de ses propres actions et ce, au choix de la partie victime de la défaillance.
Par ailleurs, les statuts de cette SAS comportent une clause d’exclusion pour « manquement aux obligations professionnelles ».
Soutenant que M. Y n’avait pas respecté ses obligations résultant de ce pacte, la société FW l’assigne aux fins de le voir condamné à lui céder ses actions dans le capital de la SAS.
La Cour d’appel – DOUAI 16 décembre 2021 n° 20/01259 – la déboute retenant que :
« la clause de mise en oeuvre de la procédure de cession forcée des actions prévues au pacte selon des modalités qui ne se contentent pas de décliner ou expliciter quelles violations des règles de fonctionnement de la société sont susceptibles de justifier de l’exclusion d’un associé conformément aux statuts et/ou au texte précité mais qui permettent son exclusion dans des hypothèses et selon un processus qui contreviennent aux statuts et à l’article précité, doit être déclaré nulle par application de l’article L 227-15 du code de commerce, le mécanisme mis en place de promesse croisée d’achat ou de cession de leurs actions par les parties ne pouvant en lui-même éluder la nullité encourue au seul motif qu’elle ne constitue pas une clause d’exclusion. »
La Cour de cassation – Com., 21 juin 2023, n° 21-25.952, 22-12.045, Publié au bulletin – casse l’arrêt :
« Vu l’article L. 227-15 du code de commerce :
8. Aux termes de ce texte, toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle.
9. Ce texte ne régissant pas l’exclusion d’un associé et la cession forcée de ses actions qui en résulte, la nullité qu’il prévoit vise uniquement à sanctionner la violation de toute clause statutaire ayant pour objet la cession d’actions librement consentie par leur titulaire.
10. Pour rejeter les demandes de la société FW tendant à l’exécution forcée du pacte d’associés et d’obligataires du 4 juin 2015 et à la mise en oeuvre des dispositions de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les actions qu’il détient dans le capital de la société [Y], l’arrêt retient que l’article 14 C du pacte doit être déclaré nul en ce qu’il permet l’exclusion d’un associé dans des hypothèses et selon un processus qui contreviennent à l’article 2-9 des statuts.
11. En statuant ainsi, alors que l’article 2-9 des statuts ne concerne pas la cession des actions de la société [Y] mais régit le cas d’exclusion d’un associé pour violation des règles de fonctionnement, de sorte qu’il n’a pas pour objet de priver un associé de la faculté de conclure une promesse unilatérale de vente de ses actions consentie sous la condition suspensive de la réalisation d’un événement qu’elle prévoit, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé. »
Pour consulter la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047738027?init=true&page=1&query=+21-25.952&searchField=ALL&tab_selection=all
Décryptage
Aux termes de l’article L227-15 du Code de commerce, relatif aux SAS : « Toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle. »
La Cour d’appel retient que la clause en question du pacte d’associé (lequel est reconnu valable) constitue une clause d’exclusion, laquelle contrevient à la clause d’exclusion statutaire (les hypothèses et le processus d’exclusion étant différents de ceux prévus pour la clause statutaire d’exclusion). Elle retient sa nullité au visa de l’article L227-15 du Code de commerce.
La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement en retenant :
- – la nullité de l’article L227-15 du Code de commerce sanctionne la violation de toute clause statutaire ayant pour objet la cession d’actions librement consentie et non la violation de clause ayant pour objet l’exclusion d’un associé et la cession forcée en résultant ;
- – l’existence d’une clause statutaire d’exclusion n’empêche pas un associé de conclure une promesse unilatérale de vente de ses actions consentie sous la condition suspensive de la réalisation d’un événement qu’elle prévoit.