DEMEMBREMENT ET GARANTIE DECENNALE : LE SAC DE NŒUDS !

Après avoir affirmé que l’usufruitier ne peut agir en garantie décennale, la Cour de cassation affirme que le nu-propriétaire non plus. Quelle est la subtilité ? Décryptage.

La décision

Monsieur et Madame C, usufruitiers d’un terrain, confient à plusieurs entreprises la construction d’une piscine couverte.

Se plaignant de désordres, la SCI nue-propriétaire du terrain assigne les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation au titre de la garantie décennale.

Usufruitiers et nu-propriétaire font grief à l’arrêt – CA de DOUAI du 2 décembre 2021 chambre 1, section 2 – de débouter la SCI faute d’intérêt à agir, alors :

  • Qu’en retenant que la construction portait sur un bâtiment indépendant et non sur une extension dont la SCI était propriétaire, la Cour a ignoré le mécanisme de l’accession – art 552 C. civ.,
  • Que c’est le nu-propriétaire qui dispose de la qualité de maître de l’ouvrage, quand bien même ce serait l’usufruitier qui aurait ordonné la construction dudit ouvrage. Dès lors, le nu-propriétaire a intérêt à agir.

La Cour de cassation – Civ. 3 n°22-10.487 du 13 avril 2023 – les déboute :

« 6. Si, en vertu de l’article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l’absence de convention réglant le sort de cette construction, par l’article 555 du même code et n’opère, ainsi, qu’à la fin de l’usufruit (3e Civ., 19 septembre 2012, pourvoi n° 11-15.460, Bull. 2012, III, n° 128).

7. En l’espèce, la cour d’appel, qui a constaté que M. [C] avait commandé et payé les travaux de construction de la piscine couverte et que cet ouvrage constituait une construction nouvelle et devant laquelle il n’était pas prétendu qu’une convention réglait le sort de la construction, en a exactement déduit que la SCI n’en était pas devenue propriétaire, l’usufruit de M. [C] n’ayant pas pris fin.

8. La SCI n’étant pas propriétaire de l’ouvrage affecté des désordres, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que cette société ne pouvait exercer l’action en garantie décennale, que la loi attache à la propriété de l’ouvrage. »

Pour consulter la décision :

https://www.courdecassation.fr/decision/6438f0f6a942a604f5e93101?judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre[]=civ3&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=8&nextdecisionpage=1&nextdecisionindex=0

Décryptage

Les lecteurs qui nous suivent auront de quoi être surpris : dans une décision de novembre 2022, la 3ème chambre civile affirmait que l’usufruitier n’est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, sans mandat du nu-propriétaire, l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance.

Voir notre article :

Puis le 13 avril 2023, la même chambre affirme que l’usufruitier ayant commandé et payé les travaux de construction, il en reste propriétaire jusqu’à l’extinction de son droit. Le nu-propriétaire n’est pas propriétaire de l’ouvrage affecté des désordres, il ne peut donc exercer l’action en garantie décennale, que la loi attache à la propriété de l’ouvrage.

Cette décision est-elle contraire à celle de novembre dernier ?

Non. La différence de raisonnement tient à la nature des constructions :

  • En novembre dernier, les constructions existantes étaient démembrées et avaient fait l’objet de travaux commandés et payés par l’usufruitier. Les travaux réalisés étaient donc également démembrés. C’est le nu-propriétaire qui avait naturellement qualité pour agir en garantie décennale.
  • Ici, les constructions commandées et payées par l’usufruitier sont des constructions nouvelles. Elles appartiennent donc à l’usufruitier jusqu’à l’extinction de son droit. C’est lui qui a qualité pour agir.

Que faut-il retenir ? Qu’une convention entre usufruitier et nu-propriétaire permettra de régler cette question en amont.

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