La validité de la garantie de la dette d’un tiers par une société peut notamment être établie s’il existe une communauté d’intérêts entre la société et le débiteur. Mais que faut-il entendre par « communauté d’intérêts » ? La Cour de cassation se prononce sur l’appréciation de cette notion.
La décision
En juin 2013, la SCI 2R se porte caution personnelle des engagements souscrits par les sociétés Etelec et RM immo auprès de la société Pro armature Champagne et s’engage sous astreinte à consentir à celle-ci un cautionnement réel.
La société Pro armature Champagne assigne la SCI 2R en paiement au titre de son engagement de caution personnelle et en liquidation de l’astreinte.
La SCI 2R sollicite l’annulation du contrat de cautionnement.
La Cour d’appel (CA REIMS, 22 Septembre 2020, n° 18/02213) la déboute en retenant qu’il existait une communauté d’intérêts entre la SCI 2R et les sociétés Etelec et RM immo au regard de ce qu’il s’agissait de trois sociétés de gestion et construction d’immeubles qui avaient le même dirigeant et de ce que si la SCI 2R n’avait pas régularisé le cautionnement, les livraisons d’acier par la société Pro armature Champagne sur les chantiers concernant la société Etelec et la société RM immo se seraient interrompues.
La Cour de cassation (Cass. civ.1, 11 janvier 2023, n° 21-16.839, Inédit) casse l’arrêt :
« Vu les articles 1849, 1852 et 1854 du code civil :
Le cautionnement donné par une société relativement à un acte qui n’entre pas directement dans son objet et qui ne résulte pas du consentement unanime de ses associés n’est valable que s’il existe une communauté d’intérêts entre la société et la personne cautionnée.
Pour rejeter la demande d’annulation du cautionnement litigieux, l’arrêt retient, d’une part, qu’il existe une communauté d’intérêts entre les sociétés 2R, Etelec et RM immo, au motif qu’il s’agit de sociétés de gestion et de construction d’immeubles ayant le même dirigeant et que, sans le cautionnement de la première, les livraisons d’acier auraient cessé au profit des deux autres, d’autre part, que le dirigeant de la SCI 2R ne peut, sans se contredire, exciper d’une éventuelle contradiction entre le cautionnement donné par cette société et son objet, dès lors qu’il en connaissait pertinemment les contours.
En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la validité de l’acte de cautionnement litigieux, la cour d’appel, qui ne s’est interrogée que sur l’intérêt de la société cautionnée, a violé les textes susvisés. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
La jurisprudence exige que soient réunies deux conditions cumulatives pour qu’une société puisse valablement donner ses actifs en garantie de la dette d’un tiers :
- 1ère condition : au choix : soit l’opération est conforme à son objet social, soit il existe une communauté d’intérêts entre la société et le débiteur, soit l’opération résulte d’une décision unanime des associés.
- 2ème condition : conformité à l’intérêt social
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Concernant la notion de communauté d’intérêts entre la société civile et le débiteur, la jurisprudence a par exemple retenu une telle communauté d’intérêts :
– dans l’hypothèse d’identité d’associés des deux sociétés et d’un lien juridique : bail consenti par la SCI au profit de la société dont elle s’était portée caution (Cass. civ. 1, 1 février 2000, n° 97-17.827, Publié au bulletin),
– dans l’hypothèse où une SCI s’est portée caution d’un de ses associés, alors que les seuls associés étaient le débiteur cautionné et sa concubine et que la SCI était propriétaire de leur résidence principale (Cass. civ. 1, 8 novembre 2005, n° 01-15.503, Inédit).
En l’espèce, la Cour d’appel pense pouvoir qualifier la communauté d’intérêts en retenant :
– l’identité de dirigeant entre la société caution et les sociétés cautionnées,
– la complémentarité d’activité entre la société caution et les sociétés cautionnées : sociétés de gestion et de construction d’immeubles,
– la nécessité de la garantie pour les sociétés cautionnées qui à défaut n’auraient plus été livrées en acier et n’auraient donc plus pu exercer l’activité de construction d’immeubles.
Ce n’est pas la position de la Cour de cassation qui retient qu’il s’agit de motifs impropres à établir la validité de l’acte de cautionnement litigieux, la cour d’appel ne s’étant interrogée que sur l’intérêt de la société cautionnée.
Il faut donc également que soit caractérisé l’intérêt de la société caution.
Il semble donc que pour retenir une communauté d’intérêts entre la société civile et le débiteur, les deux doivent avoir un intérêt dans la relation.