Le legs consenti par un testateur à son auxiliaire de vie en 2013 est-il valable ? Attention, il y a deux pièges …
La décision
Un homme décède en janvier 2016, sans descendance, en l’état d’un testament authentique de 2013, confirmé par codicille de 2014, instituant d’une part les consorts N légataires universels, et d’autre part différents legs particuliers au profit notamment de Mme B.
Des difficultés surviennent entre eux au cours du règlement de la succession.
La Cour d’appel de PARIS (pôle 3, chambre1), par un arrêt du 12 juin 2019, constate que Mme B étant auxiliaire de vie au domicile du testateur au moment de l’établissement du testament, le legs particulier consenti à son profit se heurtait à l’interdiction de recevoir résultant de l’article L 116-4 du Code de l’action sociale et des familles, lequel prescrit d’apprécier la situation d’éventuelle incapacité de recevoir à la date de la libéralité.
Mme B fait grief à l’arrêt de dire que le legs qui lui a été consenti se heurte à l’interdiction de recevoir des employés de maison alors que le testament et son codicille sont antérieurs à l’institution de cette interdiction par la Loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt n°20-17663 du 23 mars 2022, casse l’arrêt d’appel au motif que la Loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif (article 2 du Code civil).
Ce qu’il faut retenir
La présente décision ne fait que rappeler les principes de non-rétroactivité des Lois. Mais en fond, elle illustre le principe en matière de libéralités – ici testament, mais également donations – consenties au profit d’employés de maison du gratifiant : l’incapacité de recevoir éventuelle s’apprécie à la date d’établissement de la disposition à titre gratuit.
Remarquons d’ailleurs que, même si le testament avait été postérieur à l’entrée en vigueur de la Loi de 2015, certes l’incapacité de recevoir eût été établie, mais au regard d’une Loi qui a été déclarée inconstitutionnelle depuis en ce qui concerne les auxiliaires de vie.
En effet, rappelons-nous que par une décision n°2020-888 QPC du 12 mars 2021, le Conseil constitutionnel a censuré l’extension aux auxiliaires de vie de l’interdiction de recevoir des dons ou legs de la personne dont elles s’occupent par la Loi de 2015.
Pour en savoir plus, voir notre commentaire de l’époque : https://www.resodinfo.fr/la-nouvelle-incapacite-de-recevoir-a-titre-gratuit-est-en-partie-inconstitutionnelle/