C’est la question à laquelle répond la Chambre commerciale de la Cour de cassation, occasion d’illustrer les règles en vigueur depuis le 21 juillet 2019.
La décision
Le GFA du domaine de Neuvron est constitué en 1979 pour une durée de 40 ans, expirant le 12 octobre 2019.
Saisi sur requête par un associé sur le fondement de l’article 1844-6 al. 4 du Code civil, le président d’un TJ rend une ordonnance le 14 octobre 2020 constatant l’intention des associés de proroger la société et autorisant la consultation de ces derniers à titre de régularisation dans un délai de 3 mois.
L’un des associés demande la rétractation de cette décision. La Cour d’appel refuse – NANCY Civ. 3 3 janvier 2022. L’associé forme un pourvoi au motif que la décision du président du TJ n’est possible que lorsque les associés ont omis de bonne foi de proroger la société avant son terme, et que tous les associés consentent à la prorogation, ce qui n’était pas le cas.
La Cour de cassation – Com. 30 août 2023 n°22-12.084 publié au bulletin – le déboute :
« …
6. D’une part, l’arrêt constate que la société ayant été constituée pour une durée expirant le 12 octobre 2019, ses associés auraient dû être consultés avant le 12 octobre 2018 pour décider si elle devait être prorogée, ce qui n’a pas été fait. D’autre part, après avoir relevé que l’article 21 des statuts de la société prévoit qu’une décision de prorogation de la société doit être adoptée par la majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, il constate qu’un procès-verbal d’huissier de justice du 22 septembre 2020 mentionne que quatre associés sur cinq, représentant 273 parts sur 303, sont favorables à la prorogation et en déduit que la majorité requise est réunie.
7. Dès lors, la cour d’appel, qui a exactement énoncé que l’article 1844-6 n’impose pas de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger la société dont le terme est arrivé à échéance et n’exige pas l’intention unanime des associés, a confirmé à bon droit l’ordonnance du président du tribunal judiciaire ayant rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance du 14 octobre 2020.
8. Le moyen n’est donc pas fondé. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Rappelons tout d’abord les règles applicables depuis le 21 juillet 2019, telles qu’elles ont été revues par l’article 4 de la Loi n°19-744 du 19 juillet 2019 :
La société prend fin par l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée – art. 1844-7 1° C. civ.
Cette durée peut être prorogée – art. 1844-6 C. civ. – par décision unanime des associés, ou, si les statuts le prévoient, à la majorité prévue.
Un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent être consultés à ce titre.
A défaut, tout associé peut demander au président du tribunal, statuant sur requête, la désignation d’un mandataire de justice chargé de provoquer ladite consultation.
Lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée.
La Cour de cassation apporte les précisions suivantes concernant la régularisation a posteriori sur autorisation judiciaire :
– elle peut intervenir quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés à l’effet de décider si la société doit être prorogée n’a pas eu lieu,
– si les statuts prévoient que la prorogation peut être décidée à une majorité qu’ils fixent, la régularisation sur autorisation judiciaire doit être décidée à cette majorité et non à l’unanimité des associés.