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LA DYSQUALIFICATION D’OPERATIONS DE MARCHAND DE BIENS AU REGARD DE L’IS CONTAMINE-T-ELLE LA TVA ?

Des achats/revente de biens immobiliers ne sont pas qualifiées d’opérations de marchand de biens au regard des BIC/IS. La soumission à la TVA est-elle écartée pour autant ? Une cour d’appel se prononce.

La décision

La SCI de la Palmeraie est créée en mars 2005 avec pour objet l’acquisition, la gestion et l’administration de biens immobiliers et, plus généralement, toutes opérations se rapportant à cet objet, pourvu que ces opérations ne modifient pas son caractère civil.

Elle acquiert en 2005 un immeuble comprenant cinq logements donnés à la location, pour un montant de 165.000 €, revendu en l’état en 2007 pour un montant de 247.000 €.

En 2011, elle acquiert pour un montant de 90.000 €, un terrain à bâtir, sur lequel elle fait construire une maison, vendue en 2014 au prix de 310.000 €.

En 2014, elle acquiert pour un montant de 227.500 € une maison édifiée sur une parcelle qu’elle divise en deux. Elle revend en 2016 une parcelle de terrain à bâtir au prix de 90.000 €, et en 2018, la parcelle sur laquelle est édifiée la maison pour un prix de 339.000 €.

L’administration fiscale, considérant que la société exerçait une activité de marchand de biens, lui notifie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur les revenus locatifs, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. La SCI conteste.

Par un jugement du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon prononce la décharge partielle des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur les revenus locatifs auxquelles la société a été assujettie et rejette le surplus des conclusions de la requête.

La SCI relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

La Cour administrative d’appel de MARSEILLE la déboute – CAA de MARSEILLE, 6 janvier 2023, 21MA00744, Inédit au recueil Lebon :

« Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, et notamment le court laps de temps qui s’est écoulé entre la date d’achat des biens et leur revente intervenue les 29 janvier 2014 et 20 janvier 2016 et de l’existence de plus-values importantes de cession, la SCI de la Palmeraie doit être regardée comme ayant eu, dès l’acquisition de ces biens, une intention spéculative. Eu égard à ces opérations de cession réalisées sur une courte période, l’activité en cause a été exercée à titre habituel et ne peut être regardée comme s’inscrivant dans une démarche patrimoniale. Le caractère habituel de l’activité ressort en outre de l’existence d’une autre opération à caractère commercial, suite à l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation le 8 août 2005 puis à sa revente, dans un délai bref, le 27 mars 2007, qui a également donné lieu à une plus-value importante. Si la société appelante soutient que cette opération ne révèle aucune activité de marchand de biens immobiliers, elle se borne à reprendre le moyen soulevé en première instance en indiquant que les logements en cause ont été loués conformément à son objet social et n’ont pas été revendus à la découpe, et n’apporte ainsi aucun élément nouveau en appel au soutien de son argumentation. Enfin, si elle soutient qu’elle n’a effectué aucune démarche active de commercialisation foncière, cette circonstance est sans incidence en l’espèce au regard du caractère habituel des opérations immobilières réalisées par l’intéressée et de l’intention spéculative qui a présidé à ces opérations. Par suite, c’est à bon droit que l’administration fiscale a soumis les opérations de cession en cause à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016. »

Pour consulter la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046949554?fonds=CETAT&page=1&pageSize=10&query=plus+value+r%C3%A9sidence+principale+d%C3%A9lai+2023&searchField=ALL&searchType=ALL&tab_selection=all&typePagination=DEFAULT

Décryptage

Le présent arrêt concerne la question de la soumission ou non d’opérations immobilières à la TVA.

La soumission de ces opérations à l’IS a été écartée en 1ère instance et n’a pas fait l’objet d’appel. Nous n’avons pas connaissance du contenu du jugement et de la raison pour laquelle la requalification en opération de marchand de biens a été écartée au regard de l’imposition à l’IS.

Mais c’est l’occasion de rappeler que la jurisprudence retient que les questions d’assujettissement aux BIC/IS et à la TVA sont autonomes. 

En matière de BIC/IS, la doctrine administrative précise (BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 n° 10) :

« Pour que les dispositions du 1° du I de l’article 35 du CGI soient applicables, trois conditions doivent être simultanément remplies :

– les opérations doivent être habituelles et les achats ou les souscriptions doivent avoir été effectués avec l’intention de revendre ;

– elles doivent consister en achats (ou souscriptions) suivis de ventes ;

– et porter sur les biens limitativement énumérés par le 1° du I de l’article 35 du CGI : immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières. »

La 1ère condition est une condition double : les opérations doivent présenter :

– un caractère habituel qui peut résulter soit de la pluralité des ventes réalisées dans le cadre d’une même opération, soit de l’activité passée ou présente du cédant ;

– et une intention spéculative, laquelle est appréciée au moment de l’achat et non de la revente.

Pour plus de précisions sur la requalification en opérations de marchand de biens en matière de BIC/IS, vous pouvez consulter :

La question était ici celle de la soumission à la TVA.

Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux sont soumises à la TVA si elles sont réalisées par un assujetti agissant en tant que tel (article 256 du CGI).

La notion d’assujetti correspond à l’exercice, de manière indépendante, d’une activité économique (article 256 A du CGI).

Il a donc lieu de caractériser, non pas une activité commerciale comme en matière de BIC/IS, mais une activité économique.

S’agissant des personnes non assujetties par ailleurs réalisant des placements immobiliers ou des cessions d’immeubles, la doctrine administrative précise (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 n° 70) :

« On suivra donc la méthode du faisceau d’indices déjà classiquement utilisée pour la requalification de cessions réputées privées en opérations de marchands de biens : là où les critères d’importance et d’habitude ne suffisent pas à caractériser une activité économique, on pourra considérer celle-ci comme bien établie lorsqu’en outre le cédant se trouve engager des dépenses d’aménagement significatives, et a fortiori lorsque ces dernières sont prépondérantes dans la valeur des cessions réalisées. Sans remettre en cause la spécificité d’analyse propre à chaque impôt, la qualification de l’opération au regard du régime des plus-values peut aussi être utilement prise en considération. »

Les opérations d’achat/revente de biens immobiliers sont soumises à la TVA si une activité économique est caractérisée :

– si les opérations présentent un caractère habituel et une intention spéculative ;

– ou en présence de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel.

En l’espèce, la Cour d’appel retient la caractérisation d’une activité économique compte tenu :

– de l’intention spéculative, au regard du cours laps de temps entre achat et revente et de l’existence de plus-values de cession importantes (on peut également noter que dans l’un des actes d’acquisition, la SCI avait déclaré agir en qualité de marchand de biens et pris l’engagement de revendre le bien acquis dans un délai de cinq ans pour bénéficier de l’exonération de droits d’enregistrement ….) ;

– et du caractère habituel, compte tenu du nombre d’opérations réalisées.

Elle en conclut que c’est à bon droit que l’administration fiscale a soumis les opérations de cession en cause à la taxe sur la valeur ajoutée.

Reste une question non abordée dans l’arrêt : la TVA était-elle due sur le prix ou sur la marge ?

Sur ces questions, vous pouvez notamment consulter :

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