Les associés majoritaires d’une SCI décident chaque année de l’affectation de 20% des résultats en réserves pour provisionner des dépenses futures non justifiées. S’agit-il d’un abus de majorité ? La Cour de cassation tranche.
La décision
En 1986, la SCI DU REYRAN, propriétaire d’un terrain situé à FREJUS, le donne à bail à construction à la SA LES PARCS AQUATIQUES DE FREJUS, à charge pour elle d’y édifier un centre de loisirs.
La société AQUALAND devient majoritaire au sein de la SCI, puis absorbe la SA preneur au bail.
Au cours de cinq années successives, il est décidé de l’affectation de 20% des bénéfices de la SCI aux comptes « report à nouveau » et « autres réserves ».
Les associés minoritaires de la SCI invoquent un abus de majorité pour fonder une demande d’annulation des AG, et réclament la distribution des bénéfices.
Par un arrêt du 14 janvier 2021, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE leur donne gain de cause.
Les sociétés AQUALAND et la SCI contestent au motif que la SCI devait conserver cette trésorerie pour faire face à ses obligations de travaux telles qu’elles résultaient des conditions du bail à construction. Or, un abus de majorité consiste en la prise d’une décision contrairement à l’intérêt social et dans l’unique but de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires.
Par un arrêt du 6 avril 2022 n°21-13287, la Cour de cassation Civ. 3, rejette le pourvoi :
« Ayant ainsi fait ressortir que les décisions dont l’annulation était demandée avaient été prises contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser l’associée majoritaire au détriment des associés minoritaires, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision en caractérisant l’abus de majorité. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
L’affectation massive et répétée de résultats en réserves est régulièrement l’objet de contentieux sur le terrain de l’abus de majorité.
La Cour de cassation rappelle systématiquement que cette qualification nécessite la réunion de deux conditions cumulatives :
- la décision d’assemblée générale contestée doit être contraire à l’intérêt social,
- et elle doit avoir pour but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires.
En l’espèce, la Cour d’appel a caractérisé l’abus de majorité :
- la contrariété à l’intérêt général de la société/l’intérêt social résultait du fait que les travaux invoqués pour justifier les décisions de mise en réserve n’incombaient pas à la société bailleresse mais à la société preneuse ;
- l’associée majoritaire, suite à une fusion-absorption, était devenue la société preneuse, de telle sorte que faire supporter des travaux incombant au preneur à la société bailleresse eut conduit à avantager l’associé majoritaire (également société preneuse) au détriment des associés minoritaires.
Pour une décision où l’abus de majorité n’a pas été caratérisé, voir notre article :