Les parents associés à 1% prennent en charge 100% des pertes de la SCI familiale au cours de trois exercices. L’administration invoque la prohibition des clauses léonines. Le Conseil d’Etat tranche.
La décision
M et Mme B consentent une donation de 99% des titres d’une SCI relevant de l’impôt sur le revenu à leurs cinq enfants et conservent chacun 0,5%. Pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, l’AGOA attribue aux parents l’intégralité des pertes de la SCI.
L’administration conteste cette répartition des résultats non conformes aux droits dans le capital et réhausse les revenus fonciers des parents.
La CAA de PARIS – n° 20PA01989 du 26 janvier 2022 – donne raison aux contribuables.
Le Conseil d’État – 8ème et 3ème chambres réunies, 18/10/2022, n°462497 – rejette le pourvoi du ministre de l’économie, … :
« … les bases d’imposition de chaque associé doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumée faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention passé avant la clôture de l’exercice a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social, auquel cas les bases d’imposition des associés doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux.
… Il résulte de – l’article 1844-1 du Code civil – … qu’est réputée non écrite une stipulation qui a pour effet d’attribuer à un unique associé la totalité des profits procurés par la société ou de mettre à sa charge la totalité des pertes ou qui a pour effet d’exclure un quelconque associé de tout profit ou de l’exonérer de toute participation aux pertes. »
La Cour d’appel n’a pas dénaturé ces dispositions en retenant que les assemblées générales n’étaient pas réputées non écrites.
Décryptage
L’administration fiscale admet que, lorsqu’un acte ou une convention antérieure à la clôture de l’exercice confère aux associés des droits différents dans les bénéfices sociaux, la base d’imposition de chacun d’eux est alors déterminée en tenant compte des stipulations de cet acte ou de cette convention (BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20).
L’administration s’est donc placée sur le terrain civil : la prohibition des clauses « léonines ».
Le Conseil d’Etat considère qu’en attribuant à deux associés ultra minoritaires la charge de l’intégralité des pertes au titre de trois exercices, les assemblées générales de ladite SCI familiale n’ont ni exonéré les autres associés de toute participation aux pertes, ni mis à la charge des parents l’intégralité des pertes.
Il prend toutefois soin de souligner que les décisions en question :
– concernaient tant les bénéfices que les pertes,
– ne dérogeaient que de manière ponctuelle au pacte social.
Une décision d’assemblée générale attribuant l’intégralité des pertes à venir sans limite de temps n’aurait certainement pas reçu le même accueil.
En pratique, l’assemblée générale dérogeant à la répartition statutaire devrait donc ne porter que sur l’exercice social en cours et être globalisée pour les bénéfices et les pertes. De plus, pour être opposable à l’administration fiscale, elle doit être antérieure à la clôture de l’exercice social et donc enregistrée, pour justifier de cette antériorité.
Si l’administration avait invoqué l’existence d’une donation indirecte par prise en charge des passifs des enfants, eut-elle eu plus de succès ? Probablement pas sur trois exercices seulement, non plus.
Pour consulter la décision :