Un débiteur peut-il opposer à son créancier son changement de régime matrimonial, non publié, mais dont il est établi qu’il avait connaissance ? La Cour de cassation se prononce.
La décision
En 2006, Mme E consent à une société représentée par M. M, deux prêts.
Un juge de l’exécution autorise Mme E à inscrire une hypothèque provisoire sur un bien immobilier appartenant à M. M et à son épouse pour sûreté de sa créance.
M. M ayant été condamné à rembourser Mme E, celle-ci demande le partage de l’indivision existant entre M. et Mme M sur l’immeuble donné en garantie et sa vente forcée. Seule la moitié du prix de vente lui est versé, l’immeuble était un bien indivis et non commun entre les époux.
Les époux M, mariés initialement sans contrat préalable, avaient opté ensuite pour le régime de la séparation de biens. Le changement de régime matrimonial a été homologué en 1986 mais la mention en marge de l’acte de mariage n’a été portée qu’en 2019, en cours d’instance.
Mme E étant décédée, ses héritiers reprennent l’instance et soutiennent, pour obtenir le versement de l’intégralité du prix de vente, que le changement de régime matrimonial de M. et Mme M ne leur est pas opposable.
La Cour d’appel – CA Bordeaux 28 janvier 2021 – les déboute, retenant que Mme E avait connaissance du régime matrimonial actuel des époux M et qu’en dépit de l’absence de mention du changement de régime matrimonial sur l’acte mariage des époux, Mme E n’avait pu se méprendre sur l’étendue de son droit sur l’immeuble hypothéqué.
La Cour de cassation – Cass. civ.1, 11 mai 2023, n° 21-14.557, Inédit – casse l’arrêt :
« En se déterminant ainsi, alors qu’il était constant que la mention du jugement homologuant le changement de régime matrimonial de M. et Mme [M] n’avait été porté en marge de leur acte de mariage que le 30 septembre 2019, la cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’antérieurement à cette date, M. et Mme [M] avaient déclaré avoir modifié leur régime matrimonial dans un acte passé avec [B] [E], n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé. »
Pour consulter la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047570886?init=true&page=1&query=21-14.557+&searchField=ALL&tab_selection=all
Décryptage
Il résulte de l’article 1397 du Code civil que le changement de régime matrimonial prend effet :
– entre les époux : à la date de l’acte (ou du jugement),
– à l’égard des tiers : trois mois après que mention en a été portée en marge de l’acte de mariage.
Il existe une exception : en l’absence de mention en marge de l’acte de mariage, le changement est opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.
La Cour de cassation rappelle ici que cette exception est d’interprétation stricte : la connaissance effective par le tiers du changement de régime matrimonial ne le lui rend pas opposable.
A défaut de mention en marge de l’acte de mariage, il est nécessaire que les époux déclarent, dans un acte passé avec le tiers, avoir modifié leur régime matrimonial.