Un contribuable redressé pour une plus-value qu’il n’a pas déclarée tente d’opposer sa propre doctrine à l’administration. L’administration répond que l’article L 80 A LPF ne s’applique que s’il y a eu une imposition initiale. Le Conseil d’Etat tranche.
La décision
Deux époux résidents fiscaux suisses réalisent une plus-value à l’occasion de la cession de titres d’une société. L’administration fiscale française conteste leur qualité de non-résidents fiscaux français et les redresse.
Le contribuable forme un pourvoi contre l’arrêt de renvoi – CAA PARIS n° 21PA02125 du 9 novembre 2022 – en invoquant divers moyens parmi lesquels les dispositions de l’article L 80 A LPF qui permet d’opposer à l’administration sa propre doctrine.
Le Conseil d’Etat – CE 8ème – 3ème chambres réunies, 18/09/2023, 469789 – le déboute :
« … 13. En premier lieu, si M. B… sollicite le bénéfice de l’interprétation donnée des stipulations du b) du 6 de l’article 4 de la convention du 9 septembre 1966 par les commentaires publiés le 10 décembre 1972 au paragraphe n° 7 de la documentation de base 14 B-2211, il n’est pas fondé à invoquer cette interprétation sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors que la plus-value en litige n’a pas été déclarée par les contribuables au titre de leurs revenus de l’année 2005, de sorte que les impositions contestées ne sauraient être regardées, alors même que les intéressés ont été soumis à l’impôt sur le revenu sur la base des autres revenus qu’ils avaient déclarés, comme constituant un rehaussement d’une imposition primitive de cette plus-value. M. B… n’est pas davantage fondé à se prévaloir de cette même interprétation sur le fondement des dispositions alors codifiées au second alinéa de ce même article L. 80 A dès lors qu’ayant souscrit sa déclaration des revenus de l’année 2005 en qualité de résident de France, en y mentionnant notamment des dividendes perçus postérieurement à la date alléguée du transfert de son domicile fiscal en Suisse comme relevant d’un régime fiscal propre aux résidents de France, il ne peut être regardé comme ayant appliqué la loi fiscale selon l’interprétation que l’administration en avait donnée.
14. En second lieu, dès lors, ainsi qu’il a été dit, que les impositions contestées ne sauraient être regardées comme le rehaussement d’une imposition antérieure, les contribuables ne sont pas fondés, en tout état de cause, à se prévaloir, sur le fondement de l’article L.80 B du même livre, qui renvoie à la garantie du premier alinéa de l’article L. 80 A, de la prise de position formelle de l’administration qui résulterait de ce que, par une décision prise au cours de l’année 2007, elle aurait mis une retenue à la source à la charge de la société Adonix, sur le fondement du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, à raison des dividendes que cette société leur a versés en 2005.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir qu’il était, ainsi que son épouse, résident de Suisse à la date de la plus-value en litige et que, par suite, seule la Suisse disposait, en vertu des stipulations susmentionnées du 5 de l’article 15 de la convention du 9 septembre 1966, du droit de l’imposer à ce titre. »
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Décryptage
Cette décision nous intéresse à plusieurs titres, mais il s’agissait ici de mettre en évidence les conditions d’opposabilité de sa propre doctrine à l’administration fiscale.
Cette opposabilité nécessitait en l’espèce que la plus-value eut été déclarée par le contribuable, ce qui n’était pas le cas.
En effet, l’alinéa 1 de article L 80 A LPF s’applique aux situations « rehaussements d’impositions antérieures ».
Pas d’imposition antérieure, pas d’opposabilité.
Le redevable ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’alinéa 2 de l’article L80 A du LPF (désormais codifié à l’alinéa 3) car, ayant souscrit sa déclaration de revenus en qualité de résident français, il ne pouvait invoquer avoir appliqué une doctrine administrative relative à des résidents suisses.