La Cour de cassation se prononce une fois de plus sur cette question récurrente. Comment le praticien peut-il sécuriser l’opération ?
Ce que dit la Cour de cassation
Aux termes d’un compromis de vente, une SCI vend des biens immobiliers.
Puis la SCI souhaitant se désengager de ses obligations, elle invoque le défaut de pouvoir du gérant pour signer la promesse.
L’objet de la société consistait en :
- « La propriété, la possession, la jouissance, l’administration, l’aménagement, la transformation et l’exploitation par bail, location ou autrement des terrains et immeubles, sis à […] sous les numéros 694/ 984/ 983/ 1446.
- La propriété, l’administration, l’exploitation par bail, location ou autrement de tous les immeubles, bâtis ou non bâtis, ainsi que toutes parts de sociétés civiles immobilières dont elle pourrait devenir propriétaire ultérieurement par voie d’acquisition, d’échange, d’apport ou autrement.
- Et généralement, toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet ci-dessus défini, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société. »
Par un arrêt du 28 mai 2019, la Cour d’appel de RENNES constate la vente au motif que l’objet de la société n’étant pas limité au seul immeuble en litige et la notion de propriété visée par les statuts impliquant le droit de disposer, le gérant avait tous pouvoirs pour engager la société à l’égard des tiers.
La Cour de cassation Civ.3, par un arrêt n°19-21.214 du 5 novembre 2020, casse :
L’objet social ne couvrait pas la vente d’immeubles. En retenant que la propriété implique le droit de disposer et d’aliéner un bien, la Cour d’appel a dénaturé les statuts.
Quelles enseignements le praticien peut-il en retirer ?
Il résulte de l’article 1849 du Code civil que « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.
… Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers. »
C’est donc bien la rédaction de l’objet social qui centralise toutes les questions.
On pourrait presque dire, pour illustrer grossièrement, que la garantie des tiers contre une société civile réside plus dans son objet que dans ses associés. Cette situation est la conséquence directe de la reconnaissance de la personnalité morale des sociétés civiles en 1978.
Ces principes, clairs en apparence, n’ont pas empêché les contentieux et la jurisprudence, déjà abondante, de continuer de s’accumuler.
Par exemple, Civ. 3 n°00-16.692 et 00-16.530 du 18 déc. 2001 : dans le cas d’un objet similaire à notre espèce, la même chambre de la Cour de cassation a retenu que le gérant était en droit de vendre l’immeuble constituant le seul actif social dans la mesure où l’objet social n’était pas limité à sa propriété et son exploitation.
Dans une autre situation, la Chambre commerciale, par un arrêt n°06-21.744 du 26 février 2008, décide que la vente, même non prévue par l’objet, ressortait du seul gérant.
Dans bien d’autres cas encore, la subtilité des interprétations des juges est difficilement compatible avec la sécurité juridique recherchée.
Rédiger un objet social permettant la vente est-elle la solution ? Oui s’il s’agit des pouvoirs du gérant à l’égard des tiers, à condition toutefois qu’il ne recèle pas la moindre ambiguïté. Mais alors la question du respect des intérêts des associés se pose. Pour une synthèse sur la distinction des pouvoirs du gérant à l’égard des associés et à l’égard des tiers, voir : https://www.resodinfo.fr/actualites/les-pouvoirs-du-gerant-de-societe-civile-question-complexe/)
Face à tant d’incertitudes, il semble que la seule façon de préserver à la fois la sécurité et les intérêts tant internes qu’externes, réside dans l’exigence de la validation préalable par l’assemblée générale des associés lorsqu’il s’agit d’un acte aussi important que la vente d’un actif immobilier.