C’est la question à laquelle répond la Cour de cassation, saisie pour avis par un JAF du TJ de MULHOUSE.
L’avis de la Cour de cassation
L’article 815-13 du Code civil dispose qu’en cas de partage d’une indivision portant sur un bien immobilier ou sur le produit de sa vente, l’indivisaire qui a financé des dépenses d’amélioration ou de conservation doit être indemnisé.
Dès lors, il y a lieu de distinguer :
· L’apport personnel mobilisé pour l’acquisition initiale, qui ne relève pas de l’article 815-13,
· Du remboursement des échéances de l’emprunt souscrit pour financer l’acquisition initiale, qui constitue une dépense de conservation au titre de l’article 815-13.
Mais qu’en est-il du remboursement anticipé dudit emprunt ?
Est-ce une dépense de conservation ou une dépense d’acquisition ?
L’article 815-13 du Code civil s’applique-t-il ou pas ?
C’est la question que vient de soumettre le JAF du TJ de MULHOUSE à la Cour suprême, dans le cadre d’une demande d’avis du 27 avril 2023.
La Cour de cassation – Civ. 1 n°23-70007 du 5 juillet 2023 – répond :
« 5. La question de droit est nouvelle, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. 6. Aux termes de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. 7. La Cour de cassation juge que le règlement d’échéances d’emprunts ayant permis l’acquisition d’un immeuble indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité sur le fondement du texte précité (1re Civ., 7 juin 2006, pourvoi n° 04-11.524, Bull. 2006, I, n° 284 ; 1re Civ., 15 mai 2018, pourvoi n° 17-16.166). 8. En effet, un tel règlement permet de préserver l’indivision d’un risque de défaillance de nature à entraîner la perte du bien indivis et, ainsi, de le conserver dans l’indivision. 9. La Cour de cassation a étendu cette solution à l’hypothèse du règlement d’un crédit relais (1re Civ., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.898, publié). 10. Il n’y a pas lieu de distinguer selon que le remboursement de l’emprunt s’effectue par le paiement des échéances ou par un ou des règlements anticipés. 11. Dès lors, le remboursement anticipé d’un emprunt ayant permis l’acquisition d’un bien indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil. EN CONSÉQUENCE, la Cour : EST D’AVIS QUE le remboursement anticipé d’un emprunt ayant permis l’acquisition d’un bien indivis, lorsqu’il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l’indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien au sens de l’article 815-13, alinéa 1er, du code civil. »
Pour consulter la décision :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047852565?page=1&pageSize=10&query=23-70007&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT
Décryptage
La question des intérêts pécuniaires des partenaires de Pacs ou concubins est compliquée.
La Cour de cassation semble vouloir donner des orientations décisives en la matière, le présent avis étant publié au bulletin.
La question de la contribution des partenaires aux charges de leur vie commune, qui ajoute à la complexité et s’articule avec la question des intérêts patrimoniaux, n’est pas l’objet du présent débat. Sur cette question, nous renvoyons à notre récent article :
La question qui se posait ici était de savoir si les modalités de remboursement d’un emprunt modifient la relation patrimoniale entre indivisaires, notamment des partenaires de PACS.
Ça n’est pas le cas, selon la cour suprême.
Dès lors, pour déterminer les droits de chacun au sein de l’indivision, il y a lieu de distinguer :
- L’apport personnel mobilisé pour l’acquisition initiale (qui précède l’existence de l’indivision) : il ne relève pas de l’article 815-13 du Code civil,
- Du remboursement des échéances de l’emprunt souscrit pour financer l’acquisition initiale, qui constitue une dépense de conservation au titre de l’article 815-13, et ce, quelles que soient les modalités de remboursement : périodique ou anticipé.