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LES PARTS DE SCPI NE SONT PAS DES VALEURS MOBILIERES : QUELS EFFETS COLLATERAUX ?

Dans le cadre d’une problématique de voies d’exécution, se posait la question de savoir si des parts de SCPI constituaient ou non des valeurs mobilières. La Cour de cassation tranche et répond indirectement à d’autres questions en matière de régimes matrimoniaux et d’usufruit.

La décision

Une SCI créancière tente de faire pratiquer une saisie des parts de SCPI appartenant à son débiteur. Des difficultés surviennent quant à la question de savoir si des parts de SCPI sont saisissables.

Statuant après avis de la chambre commerciale du 30 mars 2022, la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 8 décembre 2022, n° 19-20.143, Publié au bulletin) énonce :

« S’il résulte des dispositions des articles L. 211-14, L. 211-15, L. 211-17 et R. 211-1 du code monétaire et financier que les titres financiers sont négociables, qu’ils se transmettent par virement de compte à compte, que le transfert de leur propriété résulte de leur inscription au compte-titres de l’acquéreur et qu’ils ne sont matérialisés que par cette inscription, il ressort en revanche de l’article L. 211-14 du code monétaire et financier que les parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ne sont pas négociables, et de l’article L. 214-93 du même code que le transfert de leur propriété résulte d’une inscription, non au compte-titres de l’acquéreur, mais sur le registre des associés, cette inscription étant réputée constituer l’acte de cession écrit prévu par l’article 1865 du code civil.
Il s’en déduit que les parts de la SCPI ne sont pas des valeurs mobilières, de sorte que les dispositions de l’article R. 232-3, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution, qui s’appliquent aux seules valeurs mobilières nominatives, ne leur sont pas applicables.
La saisie des parts de la SCPI devant, dès lors, être effectuée, conformément aux dispositions de l’article R. 232-1 du code des procédures civiles d’exécution, entre les mains de la société émettrice de ces parts, la signification de l’acte de saisie à un intermédiaire chargé de gérer un compte-titres dans lequel ces parts ont été inscrites est dépourvue d’effet et ne rend pas indisponibles les droits pécuniaires du débiteur.
Aucune obligation légale ou réglementaire n’impose à cet intermédiaire d’aviser la société émettrice de cette saisie ni de représenter les fonds issus d’une vente de ces titres. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046727354?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=juri

Décryptage

L’existence d’un marché secondaire contrôlé pour la cession de parts de SCPI tend à laisser penser qu’il s’agit de valeurs mobilières négociables.

S’agissant de leur négociabilité, l’article L.211-14 du Code monétaire et financier prévoit expressément :

« A l’exception des parts des sociétés civiles de placement immobilier mentionnées à l’article L. 214-114 et des parts des sociétés d’épargne forestière mentionnées à l’article L. 214-121, les titres financiers sont négociables. »

Les parts de SCPI sont donc des titres financiers qui, par exception, ne sont pas négociables.

S’il s’agit de titres financiers, les parts de SCPI constituent-elles pour autant des valeurs mobilières ?

La notion de valeur mobilière est définie par l’article L. 228-1 du Code de commerce :

« Les valeurs mobilières sont des titres financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, qui confèrent des droits identiques par catégorie. »

L’article L 211-1 du Code monétaire et financier précise :

« I. – Les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers.

II. – Les titres financiers sont :

1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;

2. Les titres de créance ;

3. Les parts ou actions d’organismes de placement collectif.

III. – Les contrats financiers, également dénommés  » instruments financiers à terme « , sont les contrats à terme qui figurent sur une liste fixée par décret.

IV. – Les effets de commerce et les bons de caisse ne sont pas des instruments financiers. »

La Cour de cassation relève que les parts de SCPI ne sont pas négociables et que leur transfert de propriété résulte d’une inscription, non au compte-titres de l’acquéreur, mais sur le registre des associés.   

Elle en déduit que les parts de SCPI ne sont pas des valeurs mobilières.

Outre l’impact en matière de voies d’exécution, l’exclusion de la qualification de valeurs mobilières devrait avoir pour conséquence de ne pas permettre à l’usufruitier de parts de SCPI d’invoquer la jurisprudence Baylet. Il ne bénéficierait donc pas des pouvoirs étendus reconnus à l’usufruitier de « l’universalité » que constitue un portefeuille de valeurs mobilières (autorisation de gérer cette universalité en cédant des titres dans la mesure où ils sont remplacés, à charge d’en conserver la substance).

Et ce sauf à ce que la Cour de cassation étende sa jurisprudence au « portefeuille d’instruments financiers ».

Pour plus de précisions sur ce point, vous pouvez consulter notre ouvrage « LE PRATICIEN FACE AU QUASI-USUFRUIT » qui sera prochainement mis à jour de cet arrêt.

Pour vous abonner :

Par ailleurs, cet arrêt est l’occasion de rappeler que, même si cela est contesté par certains auteurs, le caractère non négociable des parts de SCPI devrait avoir des incidences en matière de régime matrimonial communautaire :

– lors de la souscription (article 1832-2 du Code civil) : un époux ne peut acquérir des parts sociales non négociables au moyen de fonds communs sans que son conjoint en ait été averti et sans qu’il en soit justifié dans l’acte. Le conjoint doit également se positionner au regard de la qualité d’associé.

En revanche, la souscription d’un contrat d’assurance-vie par un époux commun en bien n’étant pas soumis aux dispositions de l’article 1832-2 du Code civil, un époux devrait pouvoir souscrire seul des parts de SCPI via son contrat d’assurance-vie.

– lors de la cession (article 1424 du Code civil) :  en cours de régime communautaire, l’époux, même seul associé, ne peut céder seul des droits sociaux non négociables constituant des biens communs.

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