LES PROPRIETAIRES INDIVIS DE DROITS SOCIAUX ONT-ILS INDIVIDUELLEMENT LA QUALITE D’ASSOCIE ?

La Cour de cassation revient sur la qualité d’associé en présence de titres sociaux indivis, dans une situation où les statuts prévoyaient la poursuite de la société avec les héritiers en cas de décès d’un associé.

La décision

Un GFA est constitué entre trois associés. L’un d’entre eux décède, laissant pour lui succéder ses trois fils, dont Y E.

Les statuts prévoient que la transmission par décès au profit des descendants légitimes a lieu librement et que la société continue entre les associés survivants et les ayants droits héritiers de l’associé décédé.

Y E et d’autres associés souhaitent céder leurs parts à un tiers mais son agrément est refusé par une assemblée générale extraordinaire (AGE).

Y E assigne le GFA et son gérant en annulation de ladite AGE et convocation d’une nouvelle assemblée générale ayant le même ordre du jour.

La Cour d’appel – AIX EN PROVENCE 28 octobre 2021, n° 18/16358 – confirme l’annulation de l’AGE.

Le GFA forme un pourvoi, invoquant notamment le défaut de qualité pour agir de Y E aux motifs :

  • que la qualité d’héritier d’un associé décédé ne confère pas de plein droit celle d’associé ;
  • que les statuts, qui imposaient aux propriétaires indivis d’être représentés, excluaient que les héritiers puissent être de plein droit associés du groupement ;
  • et que les parts sociales qui étaient détenues par le défunt étant indivises entre ses héritiers, aucun d’entre eux ne pouvait prétendre à la qualité d’associé.

La Cour de cassation – Cass. com., 30 août 2023, n° 22-10.018, Inédit – rejette le pourvoi :

« quand bien même MM. [Y], [D] et [O] [E], fils et héritiers de [S] [E], n’auraient pas procédé à un partage amiable des parts provenant de sa succession, ils disposaient, en leur qualité de propriétaire indivis des parts du GFA, de la qualité d’associé, emportant le droit individuel de participer aux décisions collectives de ce groupement, sans toutefois pouvoir prendre part au vote sinon en étant représentés par un mandataire désigné à cet effet. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048042758?init=true&page=1&query=22-10018&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

Le GFA tentait de remettre en cause la qualité d’associé pour remettre en cause sa qualité pour agir.

La Cour de cassation rappelle en premier lieu que « les héritiers d’un associé d’une société de personnes ont, lorsqu’il a été stipulé que la société continuerait avec eux, la qualité d’associé ».

Lorsque les statuts le prévoient, les héritiers ont automatiquement la qualité d’associé, sans procédure d’agrément.

La Cour de cassation rappelle ensuite que les propriétaires indivis de titres sociaux ont chacun la qualité d’associé.

La qualité d’associé de chaque indivisaire de titres sociaux est établie de longue date (Cass. civ. 1, 6 février 1980, n° 78-12.513, Publié au bulletin), même si l’exercice des prérogatives est limité :

  • par le droit des société et notamment par l’article 1844 du Code civil prévoyant que les « copropriétaires » d’une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique ;
  • par les règles propres à l’indivision.

La jurisprudence reconnaît toutefois à l’indivisaire de titres sociaux indivis un exercice individuel de certains droits attachés à la qualité d’associé, notamment :

  • droit de participer aux décisions collectives, même si le vote en lui-même doit être exercé par un mandataire unique ;
  • droit de prendre les mesures nécessaires à la conservation des actions indivises et, à ce titre, agir en justice (Cass. com., 7 juillet 2020, n° 18-19.330, Inédit) ;
  • droit de demander la désignation d’un expert (Cass. com., 4 décembre 2007, n° 05-19.643, Publié au bulletin) ;
  • droit de demander de désignation d’un administrateur provisoire (Cass. civ. 3, 17 janvier 2019, n° 17-26.695, Publié au bulletin).
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