La Cour de cassation, par une décision du 31 mars 2021, confirme sa position de 2019. Dès lors, les conseils doivent se poser la bonne question : que faire face à l’absence d’efficacité confirmée de la clause d’exclusion des biens professionnels ?
La décision
Un couple se marie sous le régime de la participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels pour le calcul de la créance de participation en cas de divorce.
Après que le divorce a été prononcé, des difficultés naissent dans le cadre de la liquidation-partage de leur régime matrimonial : selon Madame, la clause d’exclusion des biens professionnels est un avantage matrimonial révoqué par le jugement de divorce. Lesdits biens doivent donc être pris en compte pour le calcul de la créance de participation.
Dans une décision n°19-25903 du 31 mars 2021, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation lui donne raison : Il résulte de l’article 265 du Code civil que les profits que l’un ou l’autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial et révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
Il en résulte qu’une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens et dettes professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial révoqué de plein droit en cas de divorce, nonobstant la qualification qu’en auraient retenue les parties dans leur contrat de mariage.
Décryptage
La Cour de cassation confirme ici une position déjà prise en 2019 à l’occasion d’un arrêt que nous avions déjà commenté :
Elle considère, en effet, que la clause d’exclusion des biens professionnels pour le calcul de la créance de participation est bel et bien un avantage matrimonial. La conséquence directe de cette qualification est sa révocation automatique du fait du divorce, sauf consentement à son maintien.
Nous ne pouvons donc que rappeler qu’il semble indispensable que les conseils alertent les clients concernés. Mais que leur proposer ?
1- solution radicale : changer de régime matrimonial. Il pourrait leur être proposé d’adopter le régime de la séparation de biens avec adjonction d’une société d’acquêts. Problème : le coût que représente la liquidation du régime de participation aux acquêts et les apports à une société d’acquêts et la constatation d’une créance de participation.
2- solution incertaine, à écarter désormais suite à l’arrêt du 18 décembre 2019, nous proposions :
« Aménager le régime matrimonial pour intégrer, si cela n’a pas été fait lors du contrat initial, une clause stipulant expressément que les époux souhaitent maintenir en cas de divorce les avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial.
Cette solution résultant d’une réponse ministérielle n°18632 JOAN 26 mai 2009 p.5148 S. Huyghe, sa portée est incertaine. D’ailleurs, le 106e Congrès des notaires de France (2010) a déjà souligné la nécessité d’aménager l’article 265 du code civil, demande appuyée par la Fédération nationale droit du patrimoine en 2019.«
Le nouvel arrêt de la Cour de cassation semble exclure une telle possibilité.
Selon le moyen de Madame : « pour dire que la clause d’exclusion des biens professionnels devait recevoir application, la cour d’appel a estimé que telle était la volonté des parties, ressortant de leur contrat de mariage ; qu’en se déterminant au regard de volonté exprimée lors de la conclusion du contrat de mariage, et non de la volonté des époux au moment de leur divorce, et notamment celle de Mme X… de renoncer à la révocation de l’avantage profitant à M. L…, la cour d’appel a violé l’article 265 du code civil. »
Réponse de la Cour de cassation : « Selon ce texte, les profits que l’un ou l’autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial et révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce. »
A noter qu’un député a récemment demandé si la réforme de la justice pourrait être l’occasion de procéder à l’aménagement permettant dès le contrat de mariage de rendre irrévocable un avantage matrimonial.
Réponse du Ministère de la Justice et des Libertés (RM DELPON, n° 12382, JOAN du 1er janvier 2019) : « Cette question fait référence à une précédente réponse faite par le ministère de la justice en mai 2009. Cette position permet effectivement d’organiser une meilleure prévisibilité pour les époux au moment du choix de leur régime matrimonial et présente des avantages significatifs. La matière des régimes matrimoniaux est complexe. Le Gouvernement reste très attentif aux demandes qui sont faites pour simplifier ou clarifier le droit des régimes matrimoniaux. Des travaux d’experts sont actuellement en cours sur ces questions. Le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice ne porte pas, dans son volet civil, sur le fond du droit en matière familiale. Ce n’est donc pas le vecteur approprié. »
Il ne reste plus qu’à espérer une intervention rapide du législateur.
Pour accéder à l’arrêt :