Le fait de ne céder individuellement qu’une seule part sociale permet-il d’échapper à la présomption de solidarité en cas de cession de contrôle d’une société commerciale ?
La Cour de cassation se prononce.
La décision
La totalité des titres d’une société est cédée, ensemble, par ses quatre associés.
La cession a lieu moyennant un prix de 380.000 € sur lequel le cessionnaire a payé un acompte de 300.000 €. Il a été stipulé que le prix pourrait faire l’objet d’une variation à la baisse, en fonction de la situation comptable intermédiaire de cette société.
Ladite situation comptable faisant apparaître des capitaux propres négatifs, le cessionnaire a soumis aux cédants un projet de prix définitif à hauteur de 1 € et a sollicité le remboursement de la somme de 299.999 €.
Les juges du fond condamnent solidairement les quatre associés à rembourser cette somme.
Deux associés minoritaires, ayant chacun cédé une seule action, forment un pourvoi en cassation invoquant que la solidarité ne se présume pas.
La Cour de cassation – Cass. com., 30 août 2023, n° 22-10.466, Publié au bulletin – les déboute :
« 6. Les conventions qui emportent cession de contrôle d’une société commerciale présentant un caractère commercial, encore qu’elles ne soient pas conclues entres commerçants, les obligations contractées par les vendeurs s’exécutent solidairement.
7. Ayant relevé que la cession litigieuse avait porté sur l’intégralité des parts de la société B diffusion, la cour d’appel en a exactement déduit que l’acte de cession du 19 janvier 2017 était un acte de commerce et que, par conséquent, les obligations des cédants, y compris l’obligation de restitution résultant de la clause de prix contenu dans l’acte de cession, s’exécutaient solidairement, faute d’insertion dans cet acte d’une clause écartant expressément la solidarité. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Aux termes de l’article 1310 du Code civil : « La solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »
Toutefois, la jurisprudence applique une présomption de solidarité en matière commerciale.
Si la cession de titres sociaux présente en principe un caractère civil, la jurisprudence retient que la cession de contrôle d’une société commerciale présente un caractère commercial (voir notamment Cass. com. 28 novembre 1978, n° 77-12.609, Publié au bulletin).
La Cour de cassation rappelle que le transfert de contrôle s’apprécie au regard du seul cessionnaire, et non au regard de chaque cédant, écartant ainsi l’argument selon lequel le fait que les minoritaires ne cèdent chacun qu’un part et que ces deux n’avaient aucun effet sur le contrôle de la société.
L’acte de cession en cause constituant une cession de contrôle d’une société commerciale, il s’agissait un acte commercial, soumis à la présomption de solidarité.
En pratique, si les cédants minoritaires ne veulent pas subir la solidarité, il faut l’écarter expressément dans l’acte de cession de contrôle.