Dans un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation rappelle sa position : la liquidation du régime matrimonial n’a pas à être prise en compte, du moins au stade de la détermination du principe de la prestation compensatoire. Décryptage.
Décision
M. I et Mme U se sont mariés en 1974 sans contrat de mariage.
Un jugement de 2016 a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et fixé à 150.000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M à Mme.
Un arrêt du 28 février 2018 a confirmé le jugement, sauf, notamment, en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, et condamné M à payer une prestation compensatoire sous la forme d’un capital d’un montant de 250.000 euros.
Un arrêt du 10 novembre 2020, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n° 18-18.574), a finalement fixé la prestation compensatoire à 200.000 euros.
M. se pourvoit en cassation, invoquant le fait que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 271 du code civil en refusant de tenir compte de la liquidation du régime matrimonial afin d’apprécier la disparité que la rupture du mariage allait créer dans les conditions de vie respective des époux, sans rechercher comme elle y était invitée, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, si la liquidation de l’important patrimoine commun n’était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de Mme.
La Cour de cassation (Cass., civ. 1, 21 septembre 2022, n° 21-12.344, Publié au bulletin) rejette le pourvoi :
« Sous le couvert d’un grief non fondé de manque de base légale au regard de l’article 271 du code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d’appréciation de la cour d’appel qui, après avoir retenu à bon droit que, la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à Mme U pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux, a pris en considération l’ensemble des éléments qui lui était soumis pour fixer le montant de la prestation compensatoire. »
Décryptage
La position de la Cour de cassation, parfois critiquée par la doctrine, semble désormais bien ancrée (voir notamment : Cass., civ. 1, 1er juillet 2009, n° 08-18.486 ; Cass., civ. 1, 31 mars 2016, 15-18.065 ; Cass., civ. 1, 26 juin 2019, n° 18-11.354) : pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal, il n’y a pas lieu, en l’absence de circonstance particulière, de tenir compte de la part de communauté devant revenir à l’époux potentiellement créancier de la prestation compensatoire.
De prime abord, cette position surprend au regard de l’article 271 du Code civil qui précise que le juge fixe la prestation compensatoire en prenant en considération notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.
Il nous semble que la position de la Cour de cassation droit être comprise en ce sens que :
- Il n’y a pas lieu de tenir compte du résultat de la liquidation du régime matrimonial pour déterminer si un époux peut ou non bénéficier d’une prestation compensatoire. A ce stade, le critère est « la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».
- En revanche, le résultat de la liquidation du régime matrimonial peut être pris en compte pour déterminer le montant de la prestation compensatoire.
Les juges du fond pourraient ainsi décider qu’une prestation compensatoire est due au regard de « la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » mais que son montant est de zéro compte tenu des besoins de l’époux à qui elle doit être versée en considération notamment du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.
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