PROBLEMATIQUES DE CONSTRUCTIBILITE POST RAPPORT SUCCESSORAL : UNE REPONSE MINISTERIELLE POUR RIEN ?

Un terrain reçu par donation voit sa situation urbanistique changer après que le rapport successoral ait été réalisé : il devient constructible alors qu’il ne l’était pas, ou l’inverse. Un député découvre le problème … le ministre répond, mais avait-il bien compris la question ?

La question

Monsieur Fabien MATRAS, Député du VAR, semble découvrir les dangers du rapport successoral, lorsqu’il porte sur une donation de terrain dont la situation d’urbanisme s’est inversée après que la valeur de rapport ait été fixée, c’est à dire après le partage :

« M. Fabien Matras interroge M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur la réévaluation de la valeur d’un bien hérité après donation, en cas de changement de circonstance de faits et de droits. Par principe, les donations faites à un héritier sont considérées comme une avance sur sa part d’héritage. Le rapport civil permet, au moment de la succession, de reconstituer le patrimoine tel qu’il aurait été s’il n’y avait eu les donations. Les donataires rapportent la valeur des donations passées et le patrimoine ainsi reconstitué est divisé entre les héritiers de manière équitable, afin de constituer leurs droits dans l’héritage. Par la suite, chaque héritier reçoit sa part, diminuée des donations qu’il ou elle a déjà reçu. Toutefois, certaines situations de fait ou de droit engendrent des inégalités lorsque la succession a déjà été réglée. À titre d’exemple, lorsque ces donations consistent en des biens immeubles, il arrive à la suite de nouveaux plans locaux ou intercommunaux d’urbanisme que certains terrains définis comme constructibles se voient requalifiés en terrains non constructibles, ou inversement. Les héritiers sont ainsi atteints dans leur droit à l’égalité successorale. À cet égard, il lui demande si le Gouvernement entend travailler sur cette question et, le cas échéant, les pistes qui seraient à l’étude. »

La réponse

Le ministre de l’économie répond – JOAN 29 mars 2022 :

« Cette problématique relative au rapport successoral est déjà réglée par la loi et la jurisprudence. L’article 860 du code civil) dispose en effet que le rapport de la donation « est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation ». L’objectif poursuivi est de reconstituer le patrimoine successoral comme si le donateur avait gardé le bien donné. Elle prend donc en compte les évolutions du bien, qui ne sont pas du fait du gratifié, et permet dès lors de faire respecter l’égalité dans le partage. Ainsi, en cas de changement de destination du bien donné, qui était par exemple constructible à l’époque de la donation et ne le serait plus au jour du partage, la Cour de cassation a précisé que ce changement devait être pris en compte pour évaluer le bien (Cass. Civ. 1ère, 22 oct. 2014, n° 13-24.911, 13-24.970, 13-24.975)). Cette circonstance est en effet fortuite ou étrangère au gratifié, comme elle le serait au donateur. L’héritier doit donc rapporter la valeur du terrain non constructible, et ceci même s’il était constructible à l’époque de la donation. Le donateur peut toutefois décider qu’une évaluation différente des biens sera faite au jour de sa succession. Il peut par exemple réaliser une donation-partage, qui répartit ses biens entre ses enfants, et fige leur montant au jour de la donation, afin que les biens ne soient pas réévalués au jour de la succession. Il évite ainsi tout conflit potentiel futur entre les héritiers autour de la valeur des biens donnés. Il s’agit là d’un choix que le donateur, conseillé par son notaire, peut faire au moment où il fait la donation. »

Sur la forme, il est surprenant que ce soit le ministre de l’économie et non le ministre de la justice qui réponde.

Sur le fond, on peut se demander s’il avait bien compris la question.

En effet, le ministre répond que le montant du rapport successoral correspond à la valeur au partage du bien reçu par donation. Si cette valeur a augmenté ou diminué selon l’évolution des règles d’urbanisme, cette évolution est intégrée.

Mais la question n’était-elle pas plutôt : une fois le partage réalisé par exemple en retenant le caractère constructible d’un terrain, comment faire pour que le donataire attributaire ne soit pas lésé si postérieurement au rapport, son terrain devient inconstructible ?

La réponse semble évidente et bien connue du notariat : réaliser un partage successoral ou une donation-partage comprenant attribution de certains lots dont la valeur peut varier dans des proportions importantes par la suite est un risque qui ne peut être neutralisé qu’en restant en indivision ou en vendant les actifs en question.

D’ailleurs, la question est sensible en matière de terrains, constructibles ou non. Elle l’est encore plus en matière d’entreprises.

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