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REDACTEURS DE STATUTS : ATTENTION A LA DISTINCTION ENTRE QUORUM ET MAJORITE

La Cour de cassation se prononce en matière de clause ambiguë sur la distinction entre quorum et majorité. Une mise en garde utile contre l’utilisation de clauses types.

La décision

Le capital d’un GFA est réparti entre 9 associés, disposant chacun d’entre 9 et 18 % du capital social.

L’article 21 des statuts du GFA énonce que les décisions extraordinaires, pour être valables, doivent être adoptées par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social.

M. X fait assigner le GFA en annulation des résolutions votées lors de l’assemblée générale extraordinaire du 20 février 2015, faisant valoir que les résolutions auraient dû être adoptées à la majorité en nombre des associés présents ou représentés, à la condition que ces associés majoritaires représentent eux-mêmes au moins les trois quarts du capital social, ce qui n’était pas le cas.

Le Tribunal d’instance de DIJON (10 septembre 2018 n° 16/00748) puis la Cour d’appel de DIJON (4 février 2021, n° 18/01505) le déboutent :

« la règle de la représentation d’au moins les trois quarts du capital social, telle que prévue à l’article 21 des statuts, constitue bien une règle de quorum, de sorte que l’adoption des résolutions lors de l’assemblée générale extraordinaire litigieuse devait se faire à la majorité en nombre des associés présents ou représentés. »

M. X forme un pourvoi. La Cour de cassation (Cass. com., 12 octobre 2022, n° 21-15.407, Inédit) confirme l’interprétation des juges du fond :

« Après avoir constaté que les parties faisaient de l’article 21 des statuts du GFA une lecture différente, l’arrêt énonce que la construction grammaticale de la phrase tend à confirmer la lecture qu’en fait le GFA, à savoir que le vote se fait uniquement à la majorité en nombre des associés présents ou représentés, mais qu’il faut préalablement que soit réuni le quorum, lequel est atteint quand sont présents ou représentés des associés détenant au moins les trois quarts du capital social. Il ajoute que la comparaison avec le libellé adopté par l’article 20 des statuts, prévoyant les règles de vote relatives aux décisions ordinaires, corrobore la pertinence de cette interprétation.

En cet état, c’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la commune intention des parties, que l’ambiguïté de l’article 21 des statuts du GFA rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu que les décisions de l’assemblée générale extraordinaire devaient être adoptées à la majorité en nombre des associés présents ou représentés, à condition que les participants au vote représentent au moins les trois quarts du capital social du groupement, ce dont elle a pu déduire que les résolutions litigieuses, adoptées à la majorité par les neuf associés présents ou représentés, étaient régulières, sans qu’il soit utile de déterminer la part de capital social représentée par les votants. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046437398?init=true&page=1&query=21-15.407&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

Pour les sociétés civiles, l’article 1852 du Code civil prévoit : « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. »

Les modalités de prise de décisions sont donc fixées par les statuts.

En la matière, il y a lieu de distinguer deux notions :

– le quorum : il s’agit d’un seuil minimum de participation. S’il n’est pas atteint, la décision collective ne peut pas être mise au vote.

– la majorité : il s’agit du seuil minimum de vote favorable pour que la décision collective soit adoptée. Le calcul de la majorité peut s’effectuer en capital, par tête, en tenant compte uniquement des associés présents ou représentés, seulement par rapport aux voix exprimées, …

En l’espèce, les statuts prévoyaient : « Les décisions extraordinaires, pour être valables, doivent être adoptées par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social. »

L’un des associés estime que pour que le vote soit validé, il faut, non seulement qu’il ait recueilli la majorité en nombre des associés présents ou représentés, mais encore que cette majorité en nombre rassemble des associés détenant au moins les trois quarts du capital social (interprétation en faveur de la « double » majorité en nombre de voix et en capital).

La société, au contraire, considère que le vote se fait uniquement à la majorité en nombre des associés présents ou représentés, mais qu’il faut préalablement que soit réuni le quorum, lequel est atteint quand sont présents ou représentés des associés détenant au moins les trois quarts du capital social (interprétation en faveur du quorum).

Les juges du fond, pour retenir la 2ème interprétation, se sont notamment fondés sur une comparaison avec le libellé adopté pour les règles de vote relatives aux décisions ordinaires : « Ces décisions doivent, pour être valables, être adoptées par des associés représentant plus de la moitié du capital social à la majorité des voix des associés présents et représentés ». Selon les juges, il résulte de cette rédaction la nécessité d’obtenir une « double » majorité : en capital + en nombre de voix des associés présents ou représentés. Ce qui n’était pas le cas pour la rédaction de l’article relative aux décisions extraordinaires, dans laquelle la référence aux trois quarts du capital social visait un quorum.

D’où l’importance de la précision dans la rédaction des statuts. Attention notamment lorsque la modification ne porte que sur une partie des statuts : si on modifie les modalités d’adoption des décisions extraordinaires mais pas celles des décisions ordinaires, il faut vérifier la cohérence d’ensemble.

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