Un montage fiscal tourne mal. Quel est le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité contre les professionnels ayant participé à ce montage ? La Cour de cassation tranche.
Décision
M. E qui exploitait en son nom propre un fonds de commerce, se voit proposer par son expert-comptable un montage juridique lui permettant de céder ce fonds sans être imposé au titre des plus-values. Ce montage est acté le 3 avril 2001 par son notaire.
Le 29 août 2007, l’administration fiscale lui notifie un redressement au titre de l’imposition des plus-values. Par arrêt confirmatif du 7 janvier 2014, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande de M. E tendant à faire reconnaître son droit à l’exonération.
En 2016, M. E assigne notaire et expert-comptable en responsabilité et indemnisation.
Les juges du fond déclarent son action prescrite.
M. E se pourvoit en cassation invoquant que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité courrait à compter de 2014, date à laquelle le redressement été devenu définitif et non à compter de 2007, date à laquelle le redressement lui avait été notifié.
Dans un arrêt du 29 juin 2022 (n° 21-10.720, Publié au bulletin), la Cour de cassation lui donne raison :
« Vu l’article 2224 du code civil :
Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Pour déclarer l’action de M. [E] prescrite, l’arrêt retient que le délai de prescription a couru à compter de la lettre de redressement reçue le 29 août 2007 par laquelle l’administration fiscale l’a informé que la cession devait faire l’objet d’une imposition au titre des plus-values.
En statuant ainsi, alors que le dommage de M. [E] ne s’était réalisé que le 7 janvier 2014, date de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux ayant rejeté son recours et constituant le point de départ du délai de prescription quinquennal, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Décryptage
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a considérablement réduit le délai de prescription extinctive de droit commun pour les actions personnelles ou mobilières : 5 ans au lieu de 30 ans.
Lé délai de prescription commence à courir « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Du fait du caractère « glissant » du point de départ, la jurisprudence est régulièrement amenée à se prononcer.
Ici, en matière de responsabilité civile d’un professionnel ayant conseillé un montage fiscal, c’est la date à laquelle le redressement est devenu définitif qui est retenue et non celle où le redressement a été notifié.
Cette décision, publiée au bulletin, est lourde de conséquences pratiques non seulement pour le client mais aussi et surtout pour son conseil. En l’espèce le délai de prescription se serait achevé 18 ans après la signature de l’acte. Les rédacteurs de cessions d’entreprises dans le domaine du chiffre et du Droit devront tenir compte de cette contrainte dans la rédaction de leurs clauses de garanties de passifs … De même, le coût des honoraires de conseil devrait logiquement s’en trouver impacté.
Pour consulter l’arrêt :