En cas de désaccord, l’expert désigné pour déterminer la valeur des droits sociaux doit-il se placer à la date du retrait, à celle du remboursement ou à celle de son rapport ? La Cour de cassation confirme sa position.
La décision
M. Y est associé d’une société civile à capital variable. En décembre 1997, il notifie son retrait. Par assemblée générale de juin 1998, la société fixe la valeur de la part et ratifie la démission de M. Y. Une somme représentative de la valeur totale de ses parts ainsi calculée lui a été versée en quatre échéances, la dernière intervenant en janvier 2002.
M. Y conteste la valorisation de ses parts. Par une ordonnance de mars 2009, le président d’un tribunal de grande instance, désigne un expert, lequel dépose son rapport en février 2012, fixant la valeur unitaire de la part, en se fondant notamment sur les derniers résultats comptables obtenus en 2009 et 2010.
Sur le fondement de ce rapport, M. Y assigne la société en paiement du complément de la somme lui restant due sur ses parts, telles qu’évaluées par l’expert.
Les juges du fond annulent le rapport d’expertise, pour erreur grossière, la date d’évaluation retenue étant celle du rapport. La Cour d’appel de PARIS (CA Paris, 18 septembre 2020, n° 16/10206) retient qu’il résultait des statuts que la date d’évaluation était celle du jour où était acté officiellement le retrait.
M. Y, reprochant à l’arrêt d’annuler le rapport d’expertise et de le débouter de l’intégralité de ses demandes, forme un pourvoi.
La Cour de cassation le rejette (Cass.com, 9 novembre 2022, n° 20-20.830, Publié au bulletin) :
« Il résulte des articles 1843-4 et 1869 du code civil qu’en l’absence de dispositions contraires des statuts, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l’associé qui conteste cette valeur, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué, par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes.
Si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l’évaluation des parts est nécessairement celle, s’imposant à l’expert, du jour où est officiellement acté le retrait de l’associé, soit en l’espèce en 1998, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’en se plaçant à la date d’établissement de son rapport, en 2012, et non à la date à laquelle la SCM a, le 28 janvier 2002, remboursé ses parts sociales à M. [Y] à la valeur fixée par l’assemblée des associés, l’expert a commis une erreur grossière.
Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l’article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. »
Décryptage
A quelle date l’expert désigné en vertu de l’article 1843-4 du Code civil doit-il évaluer les titres sociaux ?
Il y a lieu d’écarter les hypothèses où la date d’évaluation est fixée :
– par la loi. Ainsi, en matière de société civile, l’article 1870-1 du Code civil précise que la valeur des droits sociaux des héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés est déterminée au jour du décès de leur auteur.
– par les statuts ou une convention.
Ce n’est donc qu’à défaut de disposition légale ou conventionnelle que la question de la date à retenir pour l’évaluation se pose.
La Cour de cassation énonce :
« Il résulte des articles 1843-4 et 1869 du code civil qu’en l’absence de dispositions contraires des statuts, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits »
C’est déjà la position qu’elle avait retenue dans un arrêt du 4 mai 2010 (Cass. com., 4 mai 2010, n° 08-20.693, Publié au bulletin – même si des décisions antérieures semblaient plutôt retenir la date du retrait).
Cette solution est cohérente au regard de celle retenue en matière d’effets du retrait : le retrayant ne perd sa qualité d’associé qu’après remboursement de la valeur de ses droits sociaux (Cass.com, 17 juin 2008 n° 06-15.45 et n° 07-14.965).