Des statuts prévoient l’absence d’indemnité en cas de révocation du DG d’une SAS. L’associé unique, lors de la nomination du DG, prévoit, au contraire, une indemnité forfaitaire en cas de révocation. Quelle est la disposition qui prévaut ? La Cour de cassation se prononce.
Décision
Par lettre du 13 mai 2011, M. V a été nommé directeur général de la SAS Itec par décision de son associé unique, la société Euromédicom. Ce courrier précisait : « en cas de révocation de vos fonctions de directeur général de la société sans juste motif, vous bénéficierez d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de votre rémunération brute fixe ».
La société Euromédicom a révoqué M. V de ces fonctions par décision du 17 décembre 2014.
M. V réclame son indemnité forfaitaire, ce qui lui est refusé au motif que les statuts de la SAS prévoient l’absence d’indemnité en cas de révocation du directeur général.
Il se pourvoit en cassation invoquant « qu’en jugeant cependant que seuls les statuts d’une société par actions simplifiée pouvaient fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu’ainsi la décision de l’associé unique n’avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum, la cour d’appel, qui a méconnu l’engagement extra-statutaire pris par l’associé unique obligeant la société Itec, a violé les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l’article 1103 du même code. »
La Cour de cassation (Cass.com., 12 octobre 2022, n° 21-15.382, Publié au bulletin) rejette le pourvoi :
« Il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger.
Ayant constaté que la lettre-accord du 13 mai 2011 portant convention de direction prévoyait, en cas de révocation pour juste motif, une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe et que l’article 12 des statuts de la société Itec stipulait que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l’associé unique » et que « la cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu’en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit », la cour d’appel en a exactement déduit que le procès-verbal de l’associé unique du même jour, procédant à la nomination de M. V, qui se référait à la lettre du 13 mai 2011 pour « les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société », n’avait pu valablement déroger à cette disposition statutaire. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Il résulte que l’article L 227-5 du Code de commerce que « Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée. ».
La jurisprudence considère que cela inclut les conditions de nomination, de durée et de cessation des fonctions de dirigeant de SAS.
La Cour de cassation a récemment précisé que si les statuts n’ont rien prévu, le principe est la révocation « ad nutum » des dirigeants de SAS.
Pour plus de précisions, voir notre article :
Ici, il ne s’agissait pas du silence des statuts mais au contraire de statuts prévoyant expressément l’absence d’indemnité en cas de révocation du dirigeant.
La décision contraire, y compris de l’associé unique, pouvait-elle faire obstacle à l’application des statuts ? La Cour de cassation retient que non : « si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger ».
Convenir d’une indemnité en cas de révocation du dirigeant d’une SAS est possible à condition que les statuts n’excluent pas expressément cette faculté.
Si tel est le cas, la décision contraire, y compris unanime, des associés n’est pas suffisante : il faut préalablement modifier les statuts.