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Révocation d’une donation pour ingratitude

Des parents consentent une donation de titres de leur société à leur fils. Ce-dernier en profite pour détourner la clientèle. La donation est-elle révocable pour ingratitude ?

C’est à cette question que répond la Cour de cassation par un arrêt du 30 janvier dernier.

Rappels : qu’est ce que la révocation de donation pour ingratitude ?

L’article 953 du Code civil pose le sacro-saint principe de l’irrévocabilité des donations, sous réserve de 3 exceptions indépendantes de la volonté du donateur :

  • Inexécution des charges
  • Survenance d’enfants
  • Ingratitude

Les articles 955 et suivants précisent la notion d’ingratitude :

« La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans les cas suivants :

1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

2° S’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

3° S’il lui refuse des aliments. »

Lorsque l’un de ces évènements survient, le donateur, et lui seul, peut demander la révocation contre le donataire, et lui seul, dans un délai d’un an à compter de l’évènement ou du jour où il en a eu connaissance.

Le rôle du juge consiste alors à décider de prononcer ou non la révocation. Comment la main du juge peut-elle ne pas trembler en songeant aux conséquences en chaîne que pourrait avoir sa décision sur les actes postérieurs à la donation (sûretés réelles, aliénations,…) ?

C’est précisément pour éviter de telles conséquences en cascade que l’article 918 dispose que la révocation pour cause d’ingratitude ne préjudiciera ni aux aliénations faites par le donataire, ni aux hypothèques et autres charges réelles qu’il aura pu imposer sur l’objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à la publication, au fichier immobilier, de la demande en révocation.

Dans le cas de révocation, le donataire sera condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter du jour de cette demande.

Il s’agit d’une révocation non rétroactive. Certains auteurs la comparent à une sanction pénale privée en ce sens qu’elle vise le donataire personnellement.

Illustration du caractère personnel de l’ingratitude

Les faits de l’espèce sont les suivants :

Des parents consentent à leurs fils une donation de titres de leur holding, avec réserve d’usufruit. Ce-dernier en profite rapidement pour détourner la clientèle, ce qui lui vaut une condamnation pénale pour abus de biens sociaux, abus de confiance et complicité d’abus de confiance au préjudice de sociétés du groupe.

Refroidis, les parents demandent la révocation de la donation pour ingratitude.

La Cour d’appel de GRENOBLE leur donne raison.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation casse par une décision du 30 janvier 2019 au motif principal que l’ingratitude ne peut être avérée que pour des faits commis à l’encontre du donateur et non pas du groupe de sociétés.

Cette décision est publiée au bulletin. La Cour suprême entend enfoncer le clou : les intérêts d’une société ne sont pas les intérêts de ses actionnaires. Reconnaître l’ingratitude pour un préjudice indirect du donateur aurait pu conduire à des dérapages dans bien d’autres domaines.

Elle avait déjà eu l’occasion de se prononcer en ce sens notamment par une décision du 19 octobre 2016 Civ 1 :

« …Mais attendu que, selon l’article 955 du code civil, la révocation d’un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis à l’encontre du donateur ; que l’arrêt relève que Mme X… a été condamnée pour complicité d’escroquerie au préjudice de la société Innov habitat ; qu’il en résulte que ce délit n’était pas de nature à constituer l’une des causes de révocation prévues à ce texte ; que par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions de l’article 1015 du code de procédure civile, aux motifs critiqués, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;… »

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