Des statuts stipulent que les conditions de retrait des avances en compte courant d’associé sont fixées par décision collective des associés. A défaut d’une telle décision, l’associé peut-il en demander le remboursement ?
La décision
Le capital d’une SCI est divisé en 100 parts sociales, détenues par M. Y à concurrence de 10 parts et par Mme W, désignée en qualité de gérante, à concurrence de 90 parts.
En 2003, la SCI acquiert un bien immobilier, financé pour les 4/5èmes par un apport en compte courant d’associé effectué par M. Y.
En 2017, M. Y met en demeure la SCI de lui rembourser le solde de son compte courant créditeur, soit la somme de 40 328 €. La société s’y oppose.
Par jugement du 19 novembre 2019, le TGI de GRASSE déclare M. Y recevable en sa demande de remboursement de son compte courant.
La SCI interjette appel invoquant le défaut de production d’une décision collective sur les conditions et le retrait des comptes courant d’associé ou d’une demande à la gérance de la convocation des associés pour délibérer sur le remboursement de son compte courant.
La Cour d’appel – AIX EN PROVENCE 9 février 2023, RG n° 19/19431 – confirme le jugement :
« Il est acquis que les conditions du retrait auraient pu faire l’objet d’une décision d’assemblée générale des associés afin d’en fixer les limites ou les contraintes. Mais que tel n’a pas été le choix des associés de la SCI qui depuis 2003 n’ont pas jugé opportun ou utile de statuer sur cette question et d’imposer des conditions au retrait d’un associé. De sorte que l’article 19 bis ne saurait aujourd’hui être analysé comme une condition préalable indispensable rendant irrecevable la demande de remboursement, sauf à trahir la commune intention des parties. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Le « compte courant d’associé » créditeur, qu’il s’agisse d’un apport de fonds à la société ou de sommes provisoirement non perçues, est analysé comme un prêt consenti par l’associé à la société. Le titulaire est à la fois associé et créancier de la société.
La jurisprudence considère qu’à défaut de stipulation contraire (dans les statuts, dans une décision collective ou dans une convention spécifique), le titulaire peut en demander le remboursement à tout moment.
Pour échapper à cette jurisprudence bien établie, la société invoquait l’article 19bis des statuts : « Les associés peuvent laisser ou mettre à la disposition de la société toutes sommes dont celle-ci pourrait avoir besoin. Le montant desdites sommes, les conditions de leur retrait et leur rémunération sont fixées par décision collective des associés ».
La SCI soutenait que cette clause statutaire s’opposait à tout remboursement de compte courant en l’absence de décision collective des associés préalable en fixant les conditions de remboursement.
La Cour d’appel ne suit pas ce raisonnement.
Elle rappelle d’abord qu’en « l’absence de clause statutaire contraire, un associé est fondé à obtenir à tout moment la restitution des avances en compte courant qu’il a consenties à la société qui s’analyse en un prêt à durée indéterminée qui peut être rompu par chacune des parties à tout moment. ».
Puis elle énonce que « l’article 19 bis ne saurait aujourd’hui être analysé comme une condition préalable indispensable rendant irrecevable la demande de remboursement, sauf à trahir la commune intention des parties ». En effet, il s’est écoulé 14 ans entre l’apport en compte courant et la demande de remboursement et pendant toute cette durée, les associés n’avaient pas jugé utile de d’organiser les conditions de remboursement.
Le principe est que le compte courant est remboursable à tout moment. L’exception est la « convention de blocage » qui peut résulter des statuts, d’une décision collective ou d’une convention spécifique.
Si les statuts peuvent organiser les conditions de remboursement, encore faut-il que la stipulation soit claire et non générique.