Un contribuable ne peut appréhender son dividende en raison d’une stipulation contractuelle imposée par la banque qui participe à une opération de refinancement. Le blocage de son compte courant suffit-il à retarder le paiement de l’impôt de distribution ? Le Conseil d’Etat se prononce.
La décision
M et Mme B constituent en 2007 une SAS NEWGLASS dont ils sont respectivement président et directrice générale, en vue du rachat de la société VITRAGLASS, dans le cadre d’une opération de refinancement.
En 2012, à l’occasion d’un contrôle sur pièces, l’administration constate la distribution de dividendes préciputaires inscrits en compte courant d’associés de M et Mme B pour un montant d’environ 4,8M€. Elle procède donc à une taxation de la distribution.
La Cour d’appel – CA PARIS 26 janvier 2020 n°20PA01674 – décharge le contribuable des impositions en litige et des pénalités au motif que les sommes portées en compte courant d’associés étaient indisponibles en vertu d’une convention de blocage, exigée en 2007 par les banques ayant financé l’opération.
L’administration forme un pourvoi en cassation.
Le Conseil d’Etat – Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 21 décembre 2022, n°462533 – lui donne raison :
« … les sommes à retenir, au titre d’une année déterminée, pour l’assiette de l’impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d’inscription à un compte courant sur lequel l’intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre. »
Décryptage
Aux termes de l’article 158 du CGI, les revenus de capitaux mobiliers sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d’un compte.
L’inscription au crédit d’un compte courant individuel d’associé engendre taxation, peu importe la perception effective ou non (sauf cas particulier d’indisponibilité des sommes ne résultant pas de la volonté de l’associé).
Au contraire, si les dividendes sont inscrits sur un compte collectif d’associés ou sur un compte de charges à payer, ils ne sont pas, en principe, considérés comme disponibles et donc imposables.
Ici, pour écarter la taxation, le contribuable invoquait une indisponibilité résultant d’une convention de blocage.
Le Conseil d’Etat retient que l’indisponibilité des dividendes procédait d’un acte de disposition de la part du contribuable, lequel avait signé la convention de subordination bloquant les comptes courants. L’indisponibilité résultant de la volonté du contribuable, les sommes sont taxables.
La solution est la même en cas de cession de titres avec stipulation d’une quote-part du prix payable à terme : le vendeur est redevable de l’impôt de plus-value sur tout le prix.
Ceci dit, au-delà de la rigueur des principes, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’opportunité de maintenir le principe d’une taxation immédiate, lorsque le contribuable n’a pas encore perçu les sommes lui revenant. C’est dans cet esprit qu’on été institués les reports et sursis divers. C’était également le fondement de la création par la LF 2019, d’un régime spécifique au crédit-vendeur :
Retarder l’exigibilité de l’impôt à la perception des sommes par le contribuable n’entraînerait pas de perte pour l’administration fiscale, seulement un décalage. Certes, cela n’est pas sans risque pour elle, mais comme dans les situations ci-dessus.
Pour consulter la décision :