Une SARL est révoquée de son mandat de président d’une SAS dans des conditions critiquables. Seul son gérant est reconnu créancier d’une indemnisation. La SARL s’en plaint en invoquant un préjudice propre distinct. La Cour de cassation tranche.
La décision
En mars 2011, la SAS R&B groupe procède à un LBO, comportant un financement bancaire et la souscription d’obligations convertibles par des fonds d’investissement.
En janvier 2012, Monsieur H, président de la SAS R&B groupe, est remplacé dans ses fonctions par sa SARL OPH (dont il est gérant et associé unique). Madame L, directeur général de la SAS R&B groupe, est remplacée dans ses fonctions par sa société RL Conseil.
En juillet 2016, la SARL OPH est révoquée de ses fonctions de président et remplacée par la société RL Conseil.
La société OPH conteste sa révocation en raison de conditions brutales et vexatoires, puis fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de VERSAILLES (17 octobre 2019) de condamner la société R&B groupe à verser une indemnité exclusivement à Monsieur H, en qualité de gérant, alors que la SARL OPH était également en droit d’obtenir réparation du préjudice moral propre qu’elle subit.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt n°19-25.794 du 30 mars 2022, donne raison à la personne morale :
« Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil :
Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Pour rejeter la demande de condamnation de la société R&B groupe à verser à la société OPH certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour sanctionner les conditions brusques et vexatoires dans lesquelles est intervenue sa révocation, l’arrêt énonce que cette dernière ne démontre pas l’existence d’un préjudice propre.
En statuant ainsi, alors qu’elle retenait que la société R&B groupe n’avait pas respecté son obligation de loyauté et qu’elle devait réparer le préjudice causé à la société OPH, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »
Décryptage
Cette décision est intéressante : dès lors que la révocation du mandat social est intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, la personne morale mandataire est légitime à réclamer une indemnisation de son préjudice propre, indépendamment de la personne physique qui en est le dirigeant.
Bien-sûr, la nature des préjudices que peut subir une personne morale ne seront pas tous identiques à ceux que peut subir une personne physique, mais tout de même …
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