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DUTREIL : UN PAVE DANS LA MARE !

La Cour de cassation vient d’affirmer que toute activité relevant des BIC est éligible à l’exonération Dutreil. Cela recouvre donc la location en meublé, la location de locaux équipés, … contrairement à la position de l’administration. La portée de cet arrêt est toutefois à relativiser.

La décision

Des époux consentent une donation-partage de titres de trois sociétés à leurs enfants, invoquant le bénéfice de l’exonération partielle de l’article 787 B du CGI.

L’administration fiscale remet en cause l’activité commerciale des sociétés et rectifie l’assiette des droits d’enregistrement.

Les redevables invoquent le fait que tous les produits perçus par une société marchand de biens ont un caractère commercial par nature et que la location d’un établissement commercial muni de matériel et des aménagements nécessaires à l’exploitation commerciale doit être considérée comme une activité commerciale.

La Cour d’appel – PARIS 21 février 2022, n° 20/08155 – donne raison à l’administration.

Elle retient un caractère patrimonial à l’activité invoquée de marchand de biens, compte tenu du faible nombre d’opérations, principalement réalisées dans un cadre familial.

Concernant la location équipée, la Cour d’appel énonce :

« Mais comme précédemment indiqué la qualité de marchand de biens étant contestée les produits de location d’immeubles ne peuvent faire l’objet d’un rattachement à une activité principale de marchand de biens, qui n’est pas démontrée. »

Les redevables forment un pourvoi invoquant que la Cour d’appel n’avait pas recherché si une des sociétés n’exerçait pas une activité de location équipée, constituant une activité commerciale, la rendant éligible à l’exonération de l’article 787 B du CGI.

La Cour de cassation – Cass. com., 1er juin 2023, n° 22-15.152 – leur donne raison :

« 7. Pour rejeter les demandes de MM. [T] et [P] [C] et de Mmes [E] et [H] [C], l’arrêt retient que la proposition de rectification est justifiée en tant qu’elle a écarté la qualification d’activité de marchand de biens des sociétés Comaco, CFI et FVH. Il ajoute que ceux-ci ne se prévalent ni d’une activité commerciale indépendamment de celle de marchand de biens ni d’une activité mixte susceptible d’autoriser l’exonération partielle litigieuse.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date des donations-partage, la société CFI n’exerçait pas l’activité commerciale de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l’article 787 B du même code, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Pour consulter la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/64783a3fbf7113d0f86f720d?search_api_fulltext=787+B&op=Rechercher+sur+judilibre&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1

Décryptage

Aux termes de l’article 787 B du CGI, sont éligibles à l’exonération partielle « Dutreil » les transmissions à titre gratuit de titres « d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ».

La question s’est rapidement posée de savoir si les activités civiles au sens du droit privé mais relevant des BIC en droit fiscal étaient éligibles ou non.

Les débats se sont notamment cristallisés autour de l’éligibilité de l’activité de location meublée, sans réponse claire jusqu’à présent.

La doctrine administrative écarte une telle éligibilité – BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 15 :

« Ainsi, pour l’application de l’article 787 B du CGI, sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier.

Les activités de construction-vente d’immeubles ou de marchand de biens sont par exemple éligibles.

Sont en revanche exclues :

– les activités de location de locaux nus, quelle que soit l’affectation des locaux ;

– les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ;

– les activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation ;

– les activités de promotion en restauration de son patrimoine immobilier, consistant à faire effectuer des travaux sur ses immeubles. »

La Cour de cassation énonce :

« Vu les articles 35, I, 5°, et 787 B du code général des impôts :
5. Selon le second de ces textes, sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si des conditions relatives à la conservation de l’activité sont réunies.
6. Il résulte du premier que constitue une activité commerciale l’activité de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie. »

Elle considère que l’activité commerciale au sens de l’article 787 B du CGI doit s’entendre de toute activité relevant des BIC. Elle retient donc une notion fiscale de l’activité, indépendamment de sa nature en Droit privé.

Selon la même logique, l’activité de location meublée, qu’elle soit exercée à titre professionnel ou non, devrait être éligible à l’exonération Dutreil. En effet, la location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés relève des BIC aux termes du 5° bis de l’article 35 du CGI.

Quelques tempéraments toutefois :

– prépondérance de l’activité éligible : pour bénéficier de l’exonération, il ne suffit pas que la société exerce une activité éligible. Il faut en outre que cette activité soit exercée à titre prépondérant.

Le caractère prépondérant de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice.

– activité professionnelle principale : parmi les conditions à remplir pour bénéficier de l’exonération partielle figure celle de l’exercice, par un des signataires de l’engagement collectif ou des bénéficiaires de la transmission, de son activité professionnelle principale, si la société est une société de personnes visée à l’article 8 du CGI ou à l’article 8 ter du CGI.

Une telle condition n’est pas évidente à remplir dans l’hypothèse de sociétés ayant une activité de location équipée ou meublée.

Notons à cet égard la différence de traitement entre les sociétés relevant de l’IR et celles relevant de l’IS pour lesquelles il n’est pas exigé de condition tenant à la rémunération perçue par le dirigeant ou au caractère principal de son activité dans la société.

Soulignons enfin que l’on ne peut pas exclure une réaction législative. La dernière fois que la Cour de cassation a jeté un pavé dans la mare en la matière (en énonçant que la condition d’activité éligible n’avait pas à perdurer pendant la durée des engagements), la réponse ne s’est pas fait attendre : moins de 3 mois plus tard, la loi était modifiée pour faire échec à cette jurisprudence.

A suivre, …

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