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PARA-HOTELIER : L’EXIGENCE DE 3 DES 4 SERVICES EST INCOMPATIBLE AVEC LA DIRECTIVE TVA !

Coup de tonnerre. Le Conseil d’Etat, saisi pour avis, considère que l’exigence d’au moins 3 services sur 4 par l’administration fiscale française pour bénéficier de l’exonération de TVA n’est pas compatible avec la règlementation européenne. Décryptage.

La décision

M. B acquiert en VEFA un logement, puis le loue en meublé, confiant la location effective à un tiers exploitant. Estimant que cette activité n’est pas exonérée de TVA, il demande et obtient le remboursement de la TVA ayant grevé l’achat.

L’administration fiscale remet en cause la soumission à la TVA et donc le remboursement.

Le tribunal administratif ayant donné raison à l’administration, M. B relève appel de la décision invoquant que : « les dispositions du 4° du b. de l’article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce que ces dispositions conditionnent strictement l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de mise à disposition d’un local meublé effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la fourniture de trois des quatre prestations qu’elles énoncent. »

La Cour administrative d’appel – DOUAI 02 mars 2023, n° 22DA01547, Inédit au recueil Lebon – sursoit à statuer et transmet le dossier au Conseil d’Etat pour avis sur les questions de droit suivantes :
« – Les dispositions du b. du 4° de l’article 261 D du code général des impôts, en ce qu’elles subordonnent l’absence d’application de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée aux locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation, s’agissant des prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni à usage d’hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, à la réalisation d’au moins trois des prestations définies à ces dispositions, sont-elles compatibles avec les dispositions de l’article 135 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ‘
– En cas de réponse négative à cette question, la fourniture de seulement une ou deux des prestations définies au b. du 4° de l’article 261 D du code général des impôts suffit-elle pour considérer que l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s’applique pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni à usage d’hébergement effectuées à titre onéreux et de manière habituelle ‘ »

Le Conseil d’Etat – avis n° 471877 du 5 juillet 2023, mentionné aux tables du recueil Lebon – se prononce :
« 1) Le b du 4° de l’article 261 D du code général des impôts (CGI) a pour effet d’inclure dans le champ de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’il prévoit toute mise à disposition d’un local meublé qui n’est pas assortie de l’offre, par l’exploitant, d’au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Ces dispositions sont ainsi susceptibles d’entraîner l’exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier. Par suite, ce b est incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en tant qu’il subordonne la soumission à la TVA des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu’il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu’elles excluent de l’exonération de TVA qu’elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

2) Il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. »

Pour consulter l’avis :

https://www.conseil-etat.fr/arianeweb/#/view-document/?storage=true

Décryptage

Il résulte de l’article 261 D du CGI que sont exonérées de TVA les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation, sans possibilité d’option pour le contribuable.

Toutefois, cette exonération ne s’applique pas en cas de fourniture de prestations « para-hôtelières ».

Au regard de la TVA, l’activité para-hôtelière se caractérise, outre la prestation d’hébergement proprement dite, par l’offre d’au moins 3 des 4 services suivants :

  • le petit déjeuner,
  • le nettoyage régulier des locaux,
  • la fourniture de linge de maison,
  • la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Ces prestations doivent être rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

En l’espèce, l’administration remettait en cause l’assujettissement à la TVA estimant que les prestations n’étaient pas fournies, ce qui lui permettait de remettre en cause le remboursement de TVA sur l’acquisition.

Dans d’autres cas, au contraire, l’administration invoque, pour soumettre les loyers à la TVA, que la fourniture des prestations, si elle n’est pas effective, est proposée.

Sur ce sujet, vous pouvez consulter :

En l’espèce, le redevable invoquait le fait que les conditions d’assujettissement à la TVA des locations meublées étaient trop restrictives au regard de la réglementation européenne.

Le Conseil d’Etat relève que la condition pour la soumission à la TVA de fourniture d’au moins 3 des 4 services (prestations para-hôtelières) n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.

Il retient que le texte français :

– est incompatible avec les objectifs de la directive européenne, en ce qu’il impose cette condition de fourniture d’au moins trois des quatre prestations pour relever de la TVA ;

– mais demeure compatible en ce qu’il prévoit une soumission à la TVA des activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

Le Conseil d’Etat conclut qu’il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.

Le critère de soumission à la TVA devient celui de la concurrence au secteur hôtelier.

En pratique, cela signifie que s’organiser pour ne disposer des moyens de fourniture de 2 des 4 services seulement ne permettra plus systématiquement d’échapper à une soumission des loyers à la TVA. A l’inverse, une personne n’étant en mesure de ne fournir que 2 des services pourra invoquer la soumission à la TVA pour récupérer la TVA ayant grevé l’acquisition et les travaux.

Il est fort probable que les contentieux se multiplient encore.

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