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SAS : LA REVOCABILITE « AD NUTUM » DES MANDATAIRES SOCIAUX N’AUTORISE PAS L’IRRESPECT

Un DG de SAS est révoqué dans des conditions brutales et vexatoires. La Cour d’appel de Versailles rappelle les principes et bonnes pratiques à respecter.

La décision

Messieurs N et O sont associés au sein de la SAS ELIQUANS, ayant pour objet la fourniture aux entreprises de prestations de conseil, d’assistance technique, de formation et de réalisation de systèmes. M. O, Président, détient 70% et M. N, DG, détient 30%.

Aux termes d’une AG d’avril 2018, M. N est révoqué de ses fonctions de DG, avec application immédiate, sans motif ni indemnité.

Ayant été débouté de ses demandes par le Tribunal de commerce – TC NANTERRE 9 juillet 2021 –M. N réclame une indemnisation devant le Cour d’appel, faisant état de nombreuses circonstances brutales, humiliantes, abusives et vexatoires : suppression de sa rémunération avant la décision, tentative d’annulation du contrat de location de son véhicule, absence d’information préalable sur les faits qui lui étaient reprochés, … le tout alors même que le pacte d’associés avait été reconduit pour 15 ans peu de temps avant la convocation.

La Cour d’appel – CA Versailles, 13e chambre, 28 Février 2023 n° 21/06074 – lui donne raison :

« … même lorsqu’il est révocable à tout moment et sans motivation, le dirigeant révoqué peut prétendre à une indemnisation de son préjudice lorsqu’il est révoqué dans des circonstances brutales, sans respect de l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation, ou vexatoires, portant atteinte à sa réputation et à son honorabilité.

Il doit avoir été convoqué à la réunion de l’organe auquel il appartient de se prononcer sur la révocation et s’il est présent, avoir connaissance avant le vote des motifs de la décision prise à son encontre et avoir été mis à même d’en débattre contradictoirement, sans qu’il soit indispensable de communiquer à l’intéressé, préalablement à cette réunion, les motifs de la révocation envisagée. »

Décryptage

Face au principe de la révocabilité ad nutum, la seule arme des mandataires sociaux de SAS est d’invoquer des circonstances vexatoires.

Rappelons les grands principes :

  • L’article L 227-5 du Code de commerce précise que « Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée. ».
  • Même lorsque les statuts de la SAS sont silencieux sur les conditions de révocation d’un mandataire social, sa révocation n’est pas conditionnée par l’existence d’un juste motif. L’exigence d’une condition spécifique, telle par exemple que des justes motifs, ne peut trouver son origine que dans les statuts de la société.
  • Si les statuts prévoient l’absence d’indemnité en cas de révocation, l’assemblée générale ne peut y déroger sans modifier au préalable les statuts.

Cet arrêt n’apprend pas grande chose de plus, il n’est qu’une illustration de comportements pouvant être qualifiés de conditions vexatoires.

Sur ce sujet, vous pouvez également consulter :

Consulter la décision

Cour d’appel, Versailles, 13e chambre, 28 Février 2023 – n° 21/06074

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

MM. [W] [N] et [V] [O] ont constitué en 2012 la SARL Eliquans dont l’objet social est notamment la fourniture aux entreprises de prestations de conseil, d’assistance technique, de formation et de réalisation de systèmes ; dans ce cadre, elle met des consultants à disposition de ses clients. Son capital social, d’un montant de 10 000 euros divisé en 1 000 parts, était réparti à hauteur de 70% pour M. [O] et 30% pour M. [N] qui étaient tous deux gérants de la société.

Par assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 2017, les associés ont décidé de transformer la société Eliquans en SAS et de mettre fin aux fonctions de gérant de MM. [O] et [N] qui ont été respectivement nommés en qualité de président de la société pour le premier et de directeur général pour le second, sans limitation de durée.

Les nouveaux statuts et le pacte d’associés, établi le 22 novembre 2017 en tenant compte des modifications des statuts, ont été signés le 13 décembre 2017, la répartition du capital social demeurant inchangée.

Chacun des associés a apporté l’intégralité de ses titres à la holding qu’il a constituée le 28 décembre 2017 et dénommée respectivement SBO invest par M. [N] et C&H invest par M. [O].

Par un courrier daté du 30 mars 2018, M. [N] a été convoqué à une assemblée générale prévue le 16 avril 2018 ayant à son ordre du jour la révocation de ses fonctions de directeur général.

Par décision du 16 avril 2018, l’assemblée générale des associés a voté la révocation immédiate, sans motif et sans indemnité, de M. [N] de ses fonctions de directeur général de la société Eliquans.

Aucune solution amiable n’a pu être trouvée entre les deux parties.

Par acte d’huissier en date du 17 mars 2020, M. [N] et la société SBO invest ont assigné la société Eliquans et la société C&H invest qui préside la précédente depuis le 5 septembre 2018, devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 9 juillet 2021, a :

– débouté la société Eliquans de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté M. [N] et la société SBO invest de leur demande en indemnisation des circonstances abusives et vexatoires de la révocation de M. [N] ;

– condamné la société Eliquans à payer à M. [N] la somme de 4 900 euros au titre de son préjudice matériel, le déboutant du surplus ;

– débouté M. [N] et la société SBO invest de leur demande en indemnisation relative à un préjudice moral ;

– condamné la société Eliquans à payer à M. [N], la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Eliquans aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 6 octobre 2021, M. [N] et la société SBO invest ont interjeté appel du jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 septembre 2022, ils demandent de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– juger abusives et vexatoires les circonstances de la révocation de M. [N] de son mandat de directeur général de la société Eliquans ;

– juger que la société Eliquans et la société C&H Invest ont révoqué M. [N] de façon abusive et vexatoire de ses fonctions de directeur général en prenant de façon déloyale, le contrôle de la société Eliquans dont il est associé minoritaire ;

En conséquence,

– condamner la société Eliquans à payer à M. [N] la somme de :

* 120 962,50 euros HT en indemnisation du préjudice matériel, correspondant au salaire que M. [N] aurait perçu en 2018, à savoir la même somme que M. [O], soit 96 900 euros, à laquelle il faut ajouter les différents avantages en nature dont il bénéficiait (voiture de fonction, frais de téléphone, matériel à disposition’) ;

* 50 000 euros HT en indemnisation du préjudice moral ;

– condamner la société C&H invest à verser à M. [N] la somme de 100 000 euros en indemnisation des circonstances abusives et vexatoires de sa révocation ;

– débouter la société Eliquans de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir la condamnation de M. [N] au paiement de la somme de 2 714,74 euros TTC ;

En tout état de cause :

– condamner solidairement la société Eliquans et la société C&H invest à verser à M. [N] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Les sociétés Eliquans et C&H invest, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 juillet 2022, demandent à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté M. [N] et la société SBO invest de leur demande en indemnisation des circonstances abusives et vexatoires de sa révocation ;

* débouté M. [N] et la société SBO invest de leur demande en indemnisation relative au préjudice moral ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* condamné la société Eliquans à payer à M. [N] la somme de 4 900 euros au titre de préjudice matériel ;

* condamné cette dernière à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Et statuant à nouveau :

– débouter M. [N] et la société SBO invest de l’intégralité de leurs demandes et prétentions à leur encontre ;

– condamner M. [N] au paiement de la somme 1 250 euros correspondant aux frais de commissariat aux apports ;

– condamner M. [N] au paiement de la somme 2 714,74 euros correspondant aux montants du matériel acheté par M. [N] avec les comptes bancaires de la société Eliquans ;

En tout état de cause,

– condamner solidairement M. [N] et la société SBO invest à leur verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la révocation de M. [N] :

Les appelants, s’ils conviennent que les intimées n’ont pas d’obligation de présenter un juste motif à la révocation de M. [N], font valoir en préalable que cette révocation suppose de présenter un motif et ce, de façon loyale, non brutale, non humiliante et non vexatoire.

S’agissant en premier lieu du caractère déloyal de la révocation, les appelants exposent d’abord que l’article 22 des statuts est flou et contradictoire dès lors qu’il prévoit à la fois la révocation sans juste motif et ‘en plus’ une liste exhaustive des motifs convenus entre les associés pour cette révocation de sorte qu’il doit être interprété en faveur de la partie la plus faible, M. [N], et que sa révocation, dès lors qu’elle est intervenue pour d’autres motifs que ceux prévus dans la clause, est déloyale.

Ils prétendent ensuite, après avoir rappelé l’information préalable à toute décision prévue à l’article 31 des statuts, que M. [O] ne justifie d’aucun document soumis aux associés à l’appui des cinq griefs pour le moins imprécis qui lui ont été reprochés alors même que la violation du principe du contradictoire est sévèrement sanctionnée par la jurisprudence. Ils ajoutent qu’au cours de l’assemblée, outre le cas de deux autres clients de la société Eliquans, M. [O] a invoqué un nouveau motif lié à une prétendue décroissance de l’activité pour 2018 et que le fait que celui-ci n’ait pas été allégué avant, l’a empêché de se défendre en consultant notamment les documents lui permettant de comparer avec les chiffres des années précédentes ; ils observent que le fait qu’au cours de la présente procédure, les intimés évoquent encore de nouveaux motifs, témoigne à l’évidence de la déloyauté de la révocation et d’une violation du principe du contradictoire.

A l’appui en second lieu du caractère brutal et vexatoire de la révocation, ils invoquent :

– la suppression de la rémunération du directeur général peu de temps avant sa révocation et à la suite de la convocation à l’assemblée générale, pour les mois d’octobre 2017, puis mars et avril 2018, précisant que sa rémunération s’élevait à 4000 euros par mois et qu’il aurait dû se voir verser une somme totale de 24 000 euros alors que seul un virement de 8 200 euros a été effectué le 27 février 2018 pour les mois de janvier et février. Il est précisé que M. [N] ne pouvait opérer lui-même des virements internes à son profit et que seul M. [O] pouvait y procéder ; que contrairement à ce qui avait été pratiqué jusqu’alors, la société Eliquans n’a pas réglé toutes les cotisations sociales dues dans l’intérêt de M. [N], en particulier auprès de la Cipav, de sorte qu’il a dû lui-même s’acquitter de la somme de 1 967 euros ;

– la reconduction du pacte d’associé du 22 novembre 2017 par la signature le 6 mars 2018, quelques jours avant la convocation annonçant la révocation de M. [N], d’un avenant prévoyant sa reconduction pour quinze années, de sorte que ce dernier s’est ainsi ‘laissé convaincre’ par M. [O] que leur relation au sein de la société Eliquans se poursuivrait pendant plusieurs années ;

– la tentative d’annulation de la location longue durée d’un véhicule de fonction, les appelants invoquant un mail de M. [O], du 30 mars 2018 comme sa convocation, et soutenant que ce dernier a tout fait pour que M. [N] soit privé, avant l’assemblée générale, de son véhicule qui était son outil de travail ;

– l’exclusion de la vie sociale de M. [N] à compter de la réception de sa convocation à l’assemblée générale, les appelants listant plusieurs événements auxquels ce dernier n’a pas été convié alors qu’il exerçait toujours ses fonctions de directeur général, observant que les intimées affirment mensongèrement et sans preuve qu’il aurait manifesté expressément son désintéressement pour les entretiens d’embauche et autres tâches administratives, ce que les appelants contestent en soulignant que ces éléments caractérisent sa mise à l’écart avant même la décision de révocation, la préméditation de cette décision et les conditions abusives et vexatoires de sa révocation ;

– les ‘réelles motivations’ de M. [O], en sa qualité de président de la société Eliquans et d’actuel président de la société C&H invest, estimant que celui-ci avait la volonté de prendre le contrôle total sur la société Eliquans.

Les sociétés intimées qui relèvent le long délai écoulé entre la révocation de M. [N] et l’introduction de la présente instance, rappellent en préalable l’absence de règles impératives dans le code de commerce régissant la révocation des dirigeants de SAS, la jurisprudence relative à la révocation ad nutum, laquelle notamment se fonde sur les circonstances de la révocation et non sur les motifs sur lesquels il n’appartient pas aux juges du fond de se prononcer, les dispositions contractuelles mises en place par les associés et la charge de la preuve qui incombe au dirigeant qui sollicite une ‘indemnité de révocation.’.

Elles exposent en premier lieu que la procédure de révocation du directeur général a respecté l’ensemble des règles applicables en la matière et les clauses statutaires dont elles observent qu’elles sont parfaitement ‘claires’ en ce qu’elles prévoient que la révocation du directeur général est prévue ‘ad nutum’ ou ‘de plein droit’ et non ‘pour justes motifs’ ou ‘pour motifs’, ajoutant que si M. [N] prétend ne pas avoir été à l’origine de la transformation de la société, celle-ci a été votée à l’unanimité des associés et qu’il ne s’est jamais opposé aux règles de révocation présentes dans les statuts. Elles observent également que le principe du contradictoire et la loyauté ont été respectés lors de la convocation de M. [N] dans la mesure où il a pu présenter ses observations sur le fondement et les modalités de sa révocation ainsi que sur les griefs qui lui ont été communiqués, bien que rien n’y obligeât la société et son président, seize jours avant la date effective de révocation de sorte que celui-ci a pu présenter des observations écrites qui ont été complétées à l’occasion des débats contradictoires qui se sont tenus au cours de l’assemblée, soulignant que la régularité de la révocation n’était pas subordonnée à la production de documents dans la mesure où il s’agissait d’une révocation ad nutum et que M. [N] a été en pleine mesure de se défendre et de présenter ses observations avant le vote, remarquant que ce n’est pas parce que des sujets de discorde ont été évoqués lors de l’assemblée générale qu’il s’agit de griefs ou de motifs de révocation retenus à son encontre.

Elles estiment en second lieu qu’aucune preuve n’est rapportée par les appelants des griefs qu’ils invoquent concernant la période antérieure à la révocation de M. [N].

Elles exposent ainsi :

– que jusqu’à la révocation de M. [N], les deux dirigeants détenaient les mêmes pouvoirs sur les comptes de la société Eliquans dont ils étaient tous deux bénéficiaire effectifs et qu’en sa qualité de directeur général, celui-ci bénéficiait des mêmes pouvoirs que le président et des mêmes accès aux comptes de la société de sorte que M. [N], indépendamment des arguments contradictoires invoqués par les appelants, était en mesure de faire des virements internes à son profit pendant son mandat  ; qu’en outre elles relèvent que la rémunération est la contrepartie du travail réalisé et que M. [N] qui n’était pas salarié était rémunéré en contrepartie de son investissement au sein de la société, lequel, depuis le mois de décembre, avait ‘considérablement baissé’ comme indiqué dans sa convocation à la révocation et qu’enfin la rémunération réclamée par ce dernier est exorbitante dès lors qu’il a perçu l’intégralité de sa rémunération, qui s’élevait à 4 000 euros comme il l’a reconnu, pour les mois de décembre 2017 à février 2018 sans fournir aucune contrepartie ;

– même si la charge de la preuve du non paiement des cotisations sociales de M. [N] repose sur ce dernier, celles-ci ont été intégralement prises en charge par la société Eliquans d’après les documents qu’elles communiquent ; que l’attestation de la Cipav du 22 décembre 2020 communiquée par les appelants concerne les cotisations au titre de l’année 2018 et non 2017, observant que les cotisations sont simplement appelées sur la base des revenus 2017 ; que ce document démontre seulement le paiement de ces cotisations sans prouver qui a effectué le règlement et pour quel mandat elles ont été versées dès lors que dès le mois de juillet 2018, celui-ci a créé la société Edelian et que les cotisations sociales au titre de son mandat de dirigeant de cette société ne peuvent être prises en charge par la société Eliquans ; que M. [N] démontre seulement avoir payé les cotisations sociales au titre de son mandat de gérant de la société Edelian et qu’en tout état de cause, si la société Eliquans avait pour usage de régler les charges sociales de ses dirigeants, elle n’était pas contrainte de le faire ;

– la signature le 6 mars 2018 de l’avenant a été bénéfique uniquement pour M. [N] qui était à l’initiative de la demande puisqu’elle lui a permis d’exercer une autre activité concurrente au sein d’une société Edelian créée après sa révocation, ce qu’il ne lui aurait pas été possible de faire sinon ;

– que la cause de l’interruption par C&H invest de la commande du véhicule auprès de ‘BMW’ était un problème de financement et que dès sa résolution, elles ont donné leur accord pour la location longue durée du nouveau véhicule destiné à M. [N], observant qu’en tout état de cause il n’y a jamais eu d’interruption entre les anciens et les nouveaux véhicules mis à la disposition de M. [N] qui a toujours été en mesure d’exercer son activité, les deux véhicules ayant été échangés le 3 avril 2018;

– que l’affirmation selon laquelle M. [N] aurait été mis à l’écart de la direction de la société n’est pas non plus démontrée alors que jusqu’à sa révocation effective, il a bénéficé des services, matériels, pouvoirs, droits et accès dont il disposait tout au long de son mandat et ce, quand bien même ce dernier a décidé de s’écarter de la société en cessant de s’y impliquer dès décembre 2017. Elles remarquent que la société n’avait pas pour politique que les deux dirigeants assistent ensemble à tous les rendez-vous de fonction et que la position actuelle des appelants est contradictoire avec leurs conclusions de première instance dans lesquelles il était souligné la forte implication de M. [N] dans la vie sociale avant son départ.

En troisième lieu, et bien que la révocation n’ait pas à être justifiée, elles expliquent que celle-ci l’était pleinement dès lors que M. [N], outre les manquements dans sa mission de directeur général reprochés dans la convocation adressée le 30 mars 2018, a aussi tenu des propos calomnieux à l’encontre du président de la société, a emporté des actifs matériels de la société, la croissance du chiffre d’affaires de la société après le départ de ce dernier confortant l’impact négatif de son mandat.

L’article L.227-1 du code de commerce exclut l’application aux sociétés par actions simplifiées notamment des articles L.225-17 à L.225-95-1 relatifs aux organes de direction et d’administration des sociétés anonymes.

Il résulte de la combinaison de cet article et de l’article L.227-5 du même code que les conditions dans lesquelles les dirigeants d’une société par actions simplifiée peuvent être révoqués de leurs fonctions sont, dans le silence de la loi, librement fixées par les statuts, qu’il s’agisse des causes de la révocation ou de ses modalités.

Conformément à l’article 22 des statuts, tels qu’adoptés le 13 décembre 2017 après la modification de l’organisation de la société décidée à l’unanimité des associés, il est prévu que :

‘Le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’un juste motif soit nécessaire, par décision du président. La révocation des fonctions du directeur général n’ouvre droit à aucune indemnité.

En outre, le directeur général est révoqué de plein droit dans les cas suivants  :

– dissolution, mise en redressement, liquidation judiciaire ou interdiction de gestion du directeur général personne morale ;

– exclusion du directeur général associé ;

– interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise ou une personne morale, incapacité ou faillite personnelle du directeur général personne physique.’

Cette possibilité de révocation sans juste motif (‘ad nutum’, c’est-à-dire sur un signe de tête) ressort clairement de la rédaction du premier alinéa de cet article sans que le paragraphe suivant, introduit par la locution ‘en outre’, ne le rende équivoque dès lors qu’il s’agit de cas expressément envisagés en plus par les associés pour une révocation de plein droit, ce qui n’exclut nullement que la révocation sans juste motif puisse intervenir en dehors des différents cas énumérés sous les trois tirets, lesquels ne constituent pas une liste exhaustive de tous les cas de révocation mais uniquement les cas de ‘révocation de plein droit’.

Il n’y a donc pas lieu à interprétation de cet article de sorte qu’il doit être considéré que la révocation du directeur général pouvait intervenir sans juste motif, pour d’autres raisons que les cas énoncés au deuxième paragraphe de l’article 22.

Dans ce cadre, la cour n’a pas à examiner le bien fondé des motifs invoqués à son encontre.

Cependant, même lorsqu’il est révocable à tout moment et sans motivation, le dirigeant révoqué peut prétendre à une indemnisation de son préjudice lorsqu’il est révoqué dans des circonstances brutales, sans respect de l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation, ou vexatoires, portant atteinte à sa réputation et à son honorabilité.

Il doit avoir été convoqué à la réunion de l’organe auquel il appartient de se prononcer sur la révocation et s’il est présent, avoir connaissance avant le vote des motifs de la décision prise à son encontre et avoir été mis à même d’en débattre contradictoirement, sans qu’il soit indispensable de communiquer à l’intéressé, préalablement à cette réunion, les motifs de la révocation envisagée.

Il ressort du dossier que :

– par lettre recommandée datée du 30 mars 2018 et établie par le président de la société Eliquans, M. [O], M. [N] a été convoqué à l’assemblée générale des associés du 16 avril 2018 à 14 heures ayant pour objet sa révocation de son mandat de directeur général, laquelle devait se tenir au siège social de la société ;

– cette même lettre, après lui avoir rappelé que conformément aux statuts il pouvait être révoqué ‘ à tout moment sans qu’un juste motif soit nécessaire’, lui a néanmoins précisé ‘les motifs de révocation qui seront soumis à l’assemblée générale, ce afin que vous soyez en mesure de présenter vos observations à la collectivité des associés’ ; ces motifs sont les suivants :

* l’existence depuis plusieurs mois de divergences entre les deux dirigeants concernant la politique à suivre dans le cadre de la gestion, de la fidélisation de leurs clients et de la progression de la société ;

* une ‘diminution sensible’ du temps quotidien passé par M. [N] à l’activité de l’entreprise, celle-ci tendant à ‘démontrer un désintéressement’ de ce dernier à l’égard de ses ‘fonctions qui impliquent au contraire une certaine disponibilité vis-à-vis de nos salariés et de notre clientèle’ ; ‘ à titre d’exemple, il était noté que M. [N] n’avait ‘réalisé qu’une seule signature de contrat en assistance technique durant les 6 derniers mois’, ce que M. [O] analysait comme ‘un signe manifeste d’une absence d’implication dans le développement de la société’ ;

* une négligence dans le suivi de prestations de services chez le client Viacces-Orca, un ‘delta’ étant apparu ‘entre le nombre de jours facturés et le nombre de jours produits’ et aucune action n’ayant été effectuée par les soins de l’appelant ; M. [O] déplorait une perte de 4 785 euros HT ;

* M. [O] concluait ces griefs en ces termes : ‘il est certain que l’ensemble de ces circonstances a eu pour conséquence de briser le lien de confiance inhérent à l’exercice de tout mandat social, mais également de porter atteinte à l’unité de direction qui doit présider à la conduite de notre société.’

M. [N] a reçu cette convocation sans délai, les appelants écrivant en page 24 de leurs écritures qu’il l’avait reçue le 30 mars 2018. Il a ainsi disposé d’un délai suffisant et raisonnable pour préparer sa défense et s’expliquer sur les griefs qui y avaient été mentionnés avec assez de précision dans le cadre d’une révocation sans juste motif.

Si comme le relèvent les appelants les statuts précisent en leur article 31, que ‘quel que soit le mode de consultation, toute décision des associés doit avoir fait l’objet d’une information préalable comprenant tous les documents et informations leur permettant de se prononcer en connaissance de cause sur la ou les résolutions soumises à leur approbation’, l’absence d’envoi de documents ou d’informations préalablement à la tenue de l’assemblée du 16 avril 2018 ne saurait caractériser une atteinte au principe du contradictoire alors même que dès le 11 avril 2018, M. [N], dans un mail adressé à M. [O], a répondu en détail sur les griefs qui lui étaient reprochés, ce qui démontre sa parfaite information.

Dès le lendemain, M. [O] a répondu à M. [N] par un mail détaillant ses arguments sur chacun des griefs reprochés et sur les éléments de réponse apportés par le directeur général, ce qui a permis à ce dernier de compléter sa défense en prévision de l’assemblée générale au cours de laquelle il est constant, à la lecture des écritures des parties, que le président et son associé ont contradictoirement débattu.

S’il est constant, à la lecture du procès-verbal d’assemblée, retranscrit sous la pièce 17 des appelants, qu’il a alors été évoqué par M. [O] une décroissance financière au cours de l’année 2018, grief ne figurant pas dans la lettre de convocation de M. [N], il n’est pas pour autant ainsi caractérisé un manquement à la loyauté dès lors que M. [N] a pu en débattre, d’autant plus qu’il n’est pas démontré que cette décroissance ait véritablement constitué un grief, l’assemblée ayant eu lieu alors que moins de quatre mois s’étaient écoulés depuis le 1er janvier 2018. S’agissant des clients de la société Eliquans évoqués lors de l’assemblée et non mentionnés dans la lettre de convocation, là encore un débat contradictoire a eu lieu entre M. [O] et M. [N] qui a pu s’expliquer à cet égard.

Dans ces circonstances aucun manquement au devoir de loyauté qui doit accompagner toute révocation, même quand elle est décidée sans juste motif, n’est établi à l’encontre de la société Eliquans.

S’agissant des circonstances ayant précédé la révocation, la cour constate au vu des éléments du dossier que :

– M. [N] au cours du dernier trimestre de l’année 2017, d’après notamment les messages téléphoniques écrits (‘sms’) que celui-ci a échangés avec M. [O] et dont la réalité n’est pas discutée par les intimées et le bilan de l’année 2017, n’a pas été payé d’une partie de sa rémunération, à hauteur de 4 000 euros, ces messages démontrant que c’est M. [O] qui assurait le paiement de ces rémunérations ; en outre M. [N] n’a pas perçu sa rémunération à compter du mois de mars 2018; en effet, outre que la société Equilans, tenue de régler à ses dirigeants la rémunération qui leur était due, ne prouve pas que des virements correspondants à celle de M. [N] en mars et jusqu’au 16 avril 2018 ont été crédités sur son compte, celle-ci ne peut valablement faire état des reproches opposés à ce dernier sur son manque d’implication pour justifier ce défaut de paiement alors même que la révocation n’avait pas encore décidée et qu’en sa qualité de directeur général, même non salarié, M. [N], tant qu’il n’était pas effectivement révoqué, devait continuer de percevoir la rémunération convenue à hauteur de 4 100 euros au vu du virement de 8 200 euros effectué à son profit pour les mois de janvier et février 2018 ;

– s’il est établi que la société Eliquans s’acquittait des cotisations des deux dirigeants et qu’elle a ainsi réglé en 2017 un montant similaire de cotisations pour chacun d’eux, ceux-ci percevant la même rémunération, il n’est pas démontré par les appelants que celle-ci serait redevable de la totalité des cotisations qui ont été versées, dans l’intérêt de M. [N], à la Cipave au titre de l’année 2018 pour un montant total de 6 577 euros ; outre qu’il est justifié qu’au titre de cette dernière année, la société Eliquans a réglé à la Cipave une somme de 2 378 euros dans l’intérêt de M. [N], celui-ci ne prouve pas que le surplus aurait dû être réglé par la société Eliquans alors qu’il a cessé d’en être le directeur général à compter de sa révocation et qu’il ressort uniquement des documents établis par la Cipave que les cotisations au titre de l’année 2018 sont appelées sur la base des revenus 2017 ; par conséquent, M. [N] ayant créé une nouvelle société après sa révocation, au cours de l’été 2018, les cotisations sociales en lien avec son mandat de dirigeant dans cette nouvelle structure ne pouvaient incomber à la société Eliquans dont il avait été révoqué ; celui-ci ne prouve pas que les sommes qu’il a lui-même réglées à la Cipave pour un montant total de 1 967 euros entre juillet et décembre 2018 auraient dû être prises en charge par la société Eliquans ;

– il n’est pas établi que la société Eliquans, en la personne de son président, ait ‘tenté d’oeuvrer de façon malveillante afin d’empêcher M. [N] de récupérer son nouveau moyen de transport, indispensable à l’exercice de ses fonctions’. En effet, les mails communiqués par les appelants prouvent qu’il y a eu des interrogations, en particulier de M. [N], sur le montant du financement accordé qui ne correspondait pas à la valeur du véhicule commandé, celui-ci ayant adressé un mail en ce sens le 29 mars 2018 tant à la banque qu’à son interlocuteur au sein de la concession BMW ; si le 30 mars 2018 à 10 heures 07, le banquier a répondu à M. [N], sans mettre la société Eliquans en copie, que le montant ‘viré à BMW sera bien celui demandé’ , il n’est pas prouvé par les appelants que M. [O] disposait de cette information lorsque le même jour, à 10 heures 10, il a informé le banquier et le concessionnaire, en la personne de M. [K], de sa ‘décision de désengager’ sa société de l’acquisition en location longue durée du véhicule BMW compte tenu du fait que faute d’entente sur le financement entre le concessionnaire et le bailleur la livraison ne pouvait être honorée. Il ne peut donc être tiré de conclusion de ce seul mail, même s’il a été établi le jour même de la lettre convoquant M. [N] aux fins de révocation ; il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants qui font uniquement état d’une prétendue ‘tentative’ que M. [O] ait maintenu sa décision à réception, toujours le 30 mars mais à 14 heures 14, du mail de M. [K] informant ce dernier et M. [N] de la disponibilité du véhicule dont la livraison était ‘programmée et le financement validé’ en leur indiquant qu’il y avait eu ‘une simple erreur d’interprétation du montant financé’. Le procès-verbal de restitution du matériel et des biens de la société Eliquans daté du 19 avril 2018 et signé de M. [N] et de M. [O], versé aux débats par les appelants, prouve d’ailleurs que M. [N] a effectivement pris possession et utilisé le véhicule (BMW 440 i), objet du financement et des mails précités, puisqu’il l’a restitué ;

– MM. [O] et [N] ont signé le 6 mars 2018 un avenant au pacte d’associé établi le 22 novembre 2017, cet avenant modifiant pour l’essentiel l’article 6 du pacte relatif à la clause de non-concurrence en l’assouplissant et en décidant de l’appliquer uniquement tant que les associés exerçaient des fonctions opérationnelles de la société Eliquans.

Il est certain qu’à moyen terme cet avenant, conclu dans l’intérêt des deux associés qui indiquaient en page 4 ‘avoir décidé de pouvoir diversifier leurs activités directement ou indirectement en se laissant la possibilité d’engager au service d’autres types de sociétés et d’y consacrer une partie de leur temps si nécessaire’, a profité à M. [N] puisque après sa révocation, il s’est trouvé désengagé de son obligation de non-concurrence dans les termes initialement prévus ; il n’en demeure pas moins toutefois que la signature d’un tel avenant, dont il était précisé qu’il entrait en vigueur à sa date de signature pour la durée restant à courir du pacte et qui s’inscrivait ainsi dans la durée dès lors que le pacte avait été conclu pour quinze années a minima, ne lui laissait pas présager qu’il allait être convoqué moins d’un mois plus tard en vue de sa révocation ‘ad nutum’ ;

– au moins trois rendez-vous professionnels ont été honorés par M. [O] seul entre le 26 mars 2018 et le 13 avril 2018 ; les intimées qui ne le contestent pas ne sont pas fondées à soutenir qu’ ‘il n’a jamais été la politique de la société que les deux dirigeants doivent assister ensemble à tous les rendez-vous la concernant’ alors même que lorsque M. [N] s’est plaint, le 11 avril, de ‘ne plus être convié aux événements relatifs au fonctionnement de la société tels que des rendez-vous de candidats’, M. [O] a uniquement fait valoir que c’est à la ‘demande orale’ de M. [N] que ce dernier n’était ‘plus invité’ mais que notant néanmoins son souhait que cela soit le cas à l’avenir, il ne manquerait pas de le convier. Les intimées qui procèdent par affirmations, ne justifient pas de cette prétendue demande de M. [N] qui la conteste expressément.

Il s’en déduit, même si les appelants n’établissent pas la réalité de l’ensemble des faits qu’ils ont allégués, qu’en parallèle de l’envoi de la lettre de convocation de M. [N] à l’assemblée générale à laquelle allait être évoquée sa révocation, celui-ci a été privé de sa rémunération et tenu à l’écart de plusieurs rendez-vous auxquels il participait habituellement, éléments reflétant, avant même que la décision ne soit prise, la volonté de la société Eliquans et de son dirigeant, d’exclure M. [N] de ses fonctions de directeur général ; les circonstances de la révocation de ce dernier s’avèrent ainsi brutales et vexatoires, d’autant plus que les associés venaient de signer, dans les premiers jours du mois de mars 2018, un avenant au pacte d’associés inscrivant leurs relations dans la durée.

Ces circonstances de la révocation de M. [N] engagent la responsabilité de la société Eliquans, sans qu’il soit en revanche démontré de faute à l’encontre de la société C&H invest, en sa qualité d’associée, étant précisé que celle-ci n’avait aucune fonction décisionnelle en avril 2018 dans la mesure où elle n’est devenue présidente de la société Eliquans que postérieurement, le 19 juillet 2018.

Sur les demandes en paiement :

Les appelants, sur le fondement de l’article 1240 du code civil et de la jurisprudence applicable à la réparation des préjudices, exposent que les préjudices subis par M. [N] sont certains, actuels et personnels et qu’ils sont la conséquence des fautes commises par la société Eliquans et son président qui, au vu de leurs développements sur les conditions de la révocation, ont joué une rôle majeur dans les circonstances abusives et vexatoires de celle-ci, et ce, afin de demeurer ‘le seul maître à bord’ au sein de la société Eliquans. Il est sollicité, au titre du préjudice financier, la condamnation in solidum des sociétés Eliquans et C&H invest à verser à la société SBO invest la somme de 100 000 euros ainsi que la condamnation de la société Eliquans à payer à M. [N] la somme de 120 962 euros HT en réparation du préjudice matériel de ce dernier qui explique l’avoir calculé à partir de la rémunération qu’il aurait perçue en 2018 au vu de la convention de direction signée le 19 juillet 2018, conférant les fonctions de président à la société holding détenue à 100 % par M. [O].

Au titre du préjudice moral subi par M. [N] ‘lâchement révoqué par la société Eliquans et son président’, il est sollicité la condamnation de la société Eliquans et comme mentionné dans les motifs des conclusions, de la société C&H invest, en sa qualité de président actuel, au paiement à l’appelant de la somme de 50 000 euros.

Ils observent, à propos de la demande des intimées relative au matériel payé sur les comptes de la société et dont elles prétendent qu’il n’aurait pas été restitué, que le procès-verbal de restitution signé par M. [O] lui-même ne relève pas qu’il manquait certains ‘matériaux’ et que ce dernier ne peut prétendre qu’il aurait découvert ces achats à la lecture du bilan alors que le détail des marchandises achetées n’y figure pas.

Les sociétés intimées, outre qu’elles soulignent le caractère exorbitant des sommes réclamées au titre ‘des préjudices matériel et moral affabulés’ par les appelants et qu’aucune demande indemnitaire ne saurait prospérer compte tenu du respect des règles statutaires et jurisprudentielles dans la révocation de M. [N], exposent que la somme de 120 962,50 euros est réclamée sans justifier des modalités et du principe de son calcul, que le maximum que ce dernier pouvait réclamer au titre de ses salaires est la somme de 12 000 euros dans la mesure où il reconnaît que sa rémunération était de 4 000 euros, et que les autres sommes dont le paiement est réclamé et le préjudice moral ne sont pas davantage démontrés.

S’agissant de la responsabilité personnelle de la société C&H invest, les intimées qui rappellent qu’à l’encontre de cette dernière, il doit être démontré une faute personnelle détachée de ses prérogatives d’associée ainsi que le lien de causalité avec le préjudice allégué, soutiennent qu’aucune faute personnelle n’est démontrée à son encontre.

S’agissant de leur appel incident, les intimées contestent la condamnation prononcée par le tribunal au titre des rémunérations non payées à M. [N], après compensation avec la somme que celui-ci a reconnu devoir au titre des frais de commissariat aux apports, dans la mesure où aucune rémunération n’était due de droit à M. [N] qui n’était pas salarié de la société Eliquans et qui n’était rémunéré qu’en contrepartie de son investissement au sein de la société, lequel avait particulièrement baissé au cours des derniers mois. Elles ajoutent que la rémunération demandée par ce dernier à hauteur de 24 000 euros est de plus exorbitante alors qu’il a déjà perçu plus qu’il n’aurait dû dans la mesure où il a cessé toute activité et toute démarche pour le compte de la société de décembre à mars 2018.

Elles expliquent enfin que M. [N] n’a jamais restitué le matériel qu’il a commandé pour son compte personnel d’une valeur de 517,80 euros et 2 196,94 euros TTC et dont les factures ont été payées par la société Eliquans, affirmant que si ce matériel n’a pas été mentionné sur le procès-verbal de restitution c’est parce que M. [O] n’a eu connaissance de son existence que lorsque les comptes ont été arrêtés. Il en est sollicité le remboursement.

Conformément aux dispositions de l’article 1240 du code civil, la responsabilité pour être engagée suppose la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien.

Seul le caractère brutal et vexatoire des circonstances de la révocation de M. [N] est retenu par la cour de sorte que seul le préjudice en lien avec ce manquement peut être réparé.

Comme indiqué précédemment, aucune faute n’a été retenue à l’encontre de C&H invest de sorte que les appelants seront déboutés de toutes les demandes formulées à son encontre dans le dispositif de leurs conclusions.

S’agissant du préjudice matériel, seule peut être réparée la perte de rémunération en lien avec la brutalité des circonstances de la révocation, à savoir la rémunération non versée à M. [N], soit la somme retenue par le tribunal à hauteur de 6 150 euros au titre de sa rémunération non réglée entre le 1er mars et le 16 avril 2018, à laquelle il convient d’ajouter la somme de 4 000 euros au titre de la rémunération non réglée en 2017, soit une somme totale de 10 150 euros.

Dès lors que les appelants ne formulent aucune observation sur la somme de 1 250 euros dont le tribunal a noté que M. [N] avait reconnu être le débiteur et que la compensation décidée en première instance ne fait pas davantage l’objet de critiques, il convient, après application de cette compensation, d’infirmer le jugement et de condamner la société Eliquans à verser à M. [N] la somme de 8 900 euros au titre de son préjudice matériel.

M. [N] ne peut valablement prétendre au paiement d’une rémunération au delà de sa révocation dont les motifs ne peuvent être discutés, celui-ci ne pouvant en outre se prévaloir d’une rémunération convenue dans une convention signée après sa révocation et à laquelle il n’a pas été partie.

Les circonstances brutales de la révocation de M. [N] lui ont nécessairement causé un préjudice moral au regard de son investissement dans la société constituée depuis 2012, celui-ci n’étant dénié par les intimées qu’à compter de la fin de l’année 2017. Il sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 10 000 euros au paiement de laquelle la société Eliquans sera condamnée, le jugement étant également infirmé de ce chef.

Il ressort des factures versées aux débats, en date des 4 août 2017 et 7 mars 2017, que M. [N] a fait livrer dans les locaux de la société Equilans un aspirateur d’une valeur de 517,80 euros TTC et un ordinateur de jeu d’une valeur de 2 196,94 euros TTC, ces factures établies au nom de la société Equilans ayant été réglées par cette dernière.

Il n’est pas démontré par les intimées que ce matériel, livré dans les locaux de la société, serait resté en possession de M. [N], aucune mention n’ayant été formulée à cet égard lorsque ce dernier et M. [O] ont signé, le 19 avril 2018, le procès-verbal de restitution des matériels dont l’appelant avait la disposition de sorte que toute demande de ce chef sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 9 juillet 2021 sauf en ce qu’il a débouté la société Eliquans de l’ensemble de ses demandes et condamné cette dernière à verser à M. [W] [N] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la société Eliquans a commis une faute dans la révocation sans juste motif de M. [W] [N] ;

Condamne la société Eliquans à payer à M. [W] [N], après compensation avec la somme de 1 250 euros dont ce dernier était débiteur à l’égard de la société Eliquans, la somme de 8 900 euros au titre de son préjudice matériel et celle de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Ajoutant au jugement,

Rejette toutes les demandes à l’encontre de la société C&H invest ;

Condamne la société Eliquans à verser à M. [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Eliquans aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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